LE BIG CRUNCH


Pascaline était assise dans l’amphithéâtre à côté d’un autre étudiant qui lui avait posé la main sur la cuisse. Elle l’avait laissé faire sans rien dire, sans même réagir. Mais comme il avait fait glisser sa main un peu plus haut à l’intérieur de la cuisse, elle se pencha vers lui tout en regardant le prof qui avait inscrit quelques mots au tableau à l’intention des étudiants. Le Big-bang.
- Arrête Laurent, tu me déconcentres.
-Viens-tu chez moi après le cours.
-Peut-être, si tu me laisses écouter.
Le prof s’emportait dans un sujet qui lui tenait à cœur.
- …alors, je ne me souviens plus qui a dit? « Le passé n’existe plus, le futur n’existe pas encore, il n’y a que le présent…» Mais quel présent! La société s’écroule. Mais bon elle s’écroule depuis tellement longtemps que je pense qu’on survivra encore un peu. Je vous pose la question suivante, dans la logique des choses, ne faudrait-il pas éliminer ceux qui détruisent la terre? Ne répondez pas, c’est inutile, nous détruisons tous la terre depuis le début de l’humanité. Depuis que, aux confins de l’Afrique, l’homme est devenu l’homme, depuis que les hommes ont envahi la planète, ils détruisent leur environnement à une vitesse qui est devenue problématique pour notre survie. Quand je dis les hommes, je vous inclus tous hommes et femmes, même ceux et celles qui n’écoutent pas et moi de même qui perd mon temps à essayer de vous faire réfléchir à autre chose que le sexe.
Le prof fit une pause en regardant ceux et celles qui souriaient. Pascaline repoussa la main de son compagnon.
-Y parle de toi.
Le prof reprit son exposé avec enthousiasme.
-La terre survivra à l’homme bien longtemps après sa disparition, évidemment. À moins que ne survienne le « Big crunch » de notre vivant. Quel spectacle! Pensez-y, le big crunch! L'univers qui se recroqueville jusqu'à presque rien. Ca serait un peu comme tenter de remettre un oeuf cuit dur à son état initial, presque jusque dans le cul de la poule qui l'a pondu.
Le prof fit une nouvelle pause en grimaçant. Le étudiants l'avaient trouvé bien bonne.
- Ha oui! Quand on parle de cul, ça vous fait rire, n'est-ce pas!
Il poursuivit en souriant.
-La fin du monde, de l'univers. Pouvez-vous imaginer un plus beau spectacle. Même Michael Jackson blanchirait de tout son corps en voyant les beaux feux d'artifices. Je ne voudrais pas manquer ce spectacle ultime pour tout l’or du monde. Je voudrais pouvoir dire : « J'y étais, j'ai tout vu. C'était grandiose. Vous n'y étiez pas? Ho! Quel dommage vous avez manqué un spectacle unique au monde. C'était le dernier. Il n'y en aura plus. Tout est fini.''
Le prof reprit son souffle en riant.
-Pouvoir vérifier, de visu, une des théories de la création de l'univers. Le Big-crunch. Quelle chance. Moi si j’étais à votre place je ne pourrais plus dormir.
Le prof fit une pause tout en regardant sa montre et poursuivit
-Bon, soyons sérieux. Il y a quelque temps j'ai lu un bouquin écrit par les frères Bogdanov. L'un mathématicien et l'autre physicien. Par des calculs mathématiques savants, bien évidemment, les scientifiques sont remontés jusqu'au moment qui à précédé le Big-bang. Le moment juste avant que se forme l'énergie qui produisit le Big-bang. Un moment infinitésimal, un souffle. C'est à dire le moment ou il n'y avait rien juste avant qu'il y ait tout qui produisit le Big-bang.
Le prof fit une autre pose et se grattant la crâne et ensuite la barbichette qu’il tenait très courte et il poursuivit.
- Vous êtes toujours là? Bien! Ce que j'en ai compris et par le miracle de la pensée créatrice qui mijote en chacun de nous, à des degrés différents, bien évidemment, est fort simple et j'en suis arrivé à la conclusion suivante : Le Big-bang, c’est à dire la création de l'univers avec tout ce que cela comporte de vivant ailleurs et sur la terre, est le résultat d'une pensée divine. Divine parce que astronomique. Je vous explique. Tout comme se forme une pensée dans votre cerveau, si faible soit-il, il y a un moment ou il n'y a pas de pensée, rien, le néant. Mais il y a tout de même tous les éléments qui serviront à cette pensée en devenir, là, en attente. Alors, le temps d'un souffle, l'idée survient dans votre esprit comme une explosion et elle meurt tout aussi rapidement pour faire place à une autre idée ou pensée de la même manière et ainsi de suite. C'est à dire un Big-bang et un Big-crunch à l'échelle de votre cerveau. Selon la théorie acceptée, le Big-bang sera nécessairement suivi d'un Big-crunch. Donc, si vous me suivez toujours et même si vous dormez, je vous l’annonce sans chichis, l'univers est une idée qui s'exprime. J'espère que ça vous en bouche un coin.
Le prof posa son regard sur l’assemblée d’étudiants et poursuivit.
-Vous êtes toujours avec moi, bien!
Le prof fit une nouvelle pose pour entendre les rires des étudiants. Il sourit de plaisir et poursuivit.
- Soyez tout de même rassurés, tant qu'il y aura expansion de l'univers, nous pouvons vivre tranquilles sans se soucier du big-crunch. Mais méfiez-vous du jour où l'univers arrêtera de se gonfler un peu comme si l'univers avait terminé son inspiration et qu'il s'apprêtait à tout expirer. Adieu veaux, vaches cochons, couvées... Soyez au aguets, interrogez le ciel. Ce sera le signal du sauve qui peut. N'emportez rien avec vous ce sera inutile. Là où vous serez il n'y aura plus rien. Le grand retour vers rien. Tout le monde cul par dessus tête. Un tsunami à l'échelle interplanétaire. Même un trou noir semblera ridicule à côté de cette vague de destruction totale. Voilà pour le big-crunch. Comme l'univers que nous habitons, malgré le petit espace que nous occupons, est une pensée divine, à défaut d'un autre qualificatif, il serait normal de se demander si chaque événement de chaque vie humaine à été planifié par cette pensée très nettement supérieure, il faut bien se l'avouer, ou si dans cette création, les éléments qui la composent ont la jouissance de faire évoluer cette pensée dans des événements originaux, hors du contrôle de la pensée originelle. Le libre arbitre si vous préféré. Par contre, si vos schèmes de pensée sont encore accrochés aux enseignements des apôtres de Jésus-Christ, qui soit dit en en passant étaient une joyeuse bande de ti-counes, en plus d'être des pissous, comme un bon nombre de Québécois, vous êtes du troupeau de croyants aux miracles. C'est tellement plus simple. Le paradis si vous avez mené une bonne vie de bien. Pauvres vous autres.
Le prof fit une pause pour prendre une gorgée d'eau.
-Est-ce que la création existe par elle-même? Je vous pose la question mais sans toutefois vous demander d’y répondre tout de suite.
Le prof regarda encore une fois sa montre et reprit.
-Demandons-nous si nos pensées meurent ou si elles existent par elles mêmes une fois créées? À suivre... comme dirait le vieux monsieur rieur. Alors, pour dans deux semaines, répondez à une des questions qui ont été posées durant mon exposé. Ha! Pour ceux et celles qui ne suivaient pas, je ne serai pas disponible pour vous répéter les questions. Vous demanderez à ceux et celles qui suivaient. Passez tous et toutes une bonne semaine. N'oubliez pas d'interroger les cieux.
Le prof prit ses feuilles de notes qu’ils ne consultaient jamais et sortit de la salle. Pascaline sortit suivi de son empressé compagnon qui l’avait prise par la taille. Elle s’était défaite de l’emprise en tournant sur elle-même. Le garçon lui demanda :
-Tu viens passer la nuit chez moi?
-Non! Je rentre chez-moi.
-Tu m’invites chez-toi
-Non! J’ai pas envie de me faire tripoter.
-Coudonc, tu sais pas ce que tu veux?
-C’est possible, mais je sais c’que j’veux pas.
Laurent quitta Pascaline de mauvaise humeur pour aller rejoindre un groupe de copains. Elle poursuivit vers l’escalier pour sortir et prendre le métro dans le but d'aller rejoindre une autre personne plus âgé qu'elle, qui lui faisait l'amour comme elle aimait être baisée. Son vieux cochon.

Sur la rue Sainte-Catherine, le prof marchait d’un pas rapide et déterminé. Il s’arrêta derrière sa voiture ouvra le coffre et y déposa sa mallette, puis il monta devant. Il partit en direction de l’est. Il devait être aux alentours de dix heures trente. La voiture roulait lentement. En dépassant la rue Amherst, dans le village, il ralentit, en cherchant des yeux sur les trottoirs de chaque côté. Il s’arrêta à un feu rouge et fit signe à une prostituée de race noire. Elle portait une blouse blanche ouverte sur sa poitrine retenue par un soutien-gorge qui soutenait bien tout en laissant voir beaucoup et une jupe rouge à mie cuisses. Elle s’approcha de la voiture ouvrit la portière du côté gauche et monta.
-Hello professor!
-Bonsoir, Amanda!
-Ça fait a long time. Je pensais que je te reverrais plus.
Amanda avait la voix éraillé et grave et s’exprimait en français avec un accent anglais très prononcé.
-He bien tu vois, je suis revenu!
-Good for you et good for me. Tu veux quoi tonight?
Le prof regarda Amanda en souriant.
-Comme d’habitude Amanda.
-OK! Well you know, il faut aller dans un petite rue.
-Je sais. Allons-y. Dit-il en souriant avec amabilité à la pute.
Le prof accéléra et roula jusqu’a l’intersection suivante et tourna sur la droite. Il stationna la voiture sous un lampadaire. Amanda se tourna vers le prof en ouvrant ses cuisses. Amanda s’était fait poser des seins mais avait conservé son pénis. Le prof regardait intensément la poitrine d’Amanda.
Alors professor, je fais le blow job maintenant, ou tu veux sucer mes tits?
Le prof caressa d’abord les seins d’Amanda.
-Je vais te sucer.
-Mais tu sais que il faut payer plus si tu touches mes tits, you know, ça m’a couté la peau de mon cul de faire mes tits.
-Je vais payer.
-O.K! Suck me, petit cochon.
Le prof approcha sa bouche des seins d’Amanda et les suça tour à tour avec intensité. Elle fouilla l’entre jambe du prof.
-Ho! Tu es vraiment horny ce soir.
Amanda pris la main du prof et la dirigea vers son propre sexe. Elle savait que le prof aimait le toucher mais qu’il n’osait pas le faire lui-même. Elle avait presque de la tendresse pour lui. Quand le prof fut rassasié des seins d’Amanda, il approcha ses lèvres du sexe noir du travesti sans le prendre dans sa bouche mais en promenant se lèvres dessus. Quand il eut terminé, de badiner avec la queue du black elle lui descendit la fermeture éclair pour lui prendre son pénis en érection.
-You know, tu as un gros bamboo pour un white boy.
Comme le prof ne disait rien, Amanda poursuivit. Elle connaissait bien les gouts du professor. Elle était habituée à ce qu’il soit silencieux.
-Relax, je vais te sucer maintenant. I’m gonna suck you good.
Le professeurr reposa sa tête en arrière en fermant les yeux pendant qu’Amanda lui faisait du bien. Il posa sa main sur la tête du travesti en lui imprimant une petite pression de va et vient. Au bout de quelques secondes de ce petit manège le prof éjacula dans la bouche d’Amanda en exprimant un léger son de satisfaction. Amanda sortit un papier mouchoir de son sac à main cracha le sperme du prof par la fenêtre et s’essuya la bouche.
-Well, maintenant, I need a drink.
Le prof sortit quelques billets de vingt de dollars de son portefeuille et les tendit à Amanda qui les prit et les fourra dans son sac. Elle sortit de la voiture et cracha à nouveau par terre.
-Goobey professor, see you.
-Bonsoir Amanda.
Le travesti ferma la portière et se dirigea vers la rue Sainte-Catherine. Le prof redémarra et emprunta le Boulevard René-Lévesque en direction du centre ville. Plus loin sur la quarante, il tourna la tête du côté du passager.
-Je savais que tu serais là Madeleine.
-Je suis toujours là quand tu as besoin de moi.
-Je peux me débrouiller sans toi.
Le prof regardait la route devant lui. Madeleine gardait le silence. Alors il s’adressa à elle.
-Tu dis rien?
-Tu t’étais pourtant promis de ne plus revoir Amanda.
-Ha! Nous y voilà. Les reproches.
Il poussa un long soupir.
-J’ai pas vraiment besoin que tu me fasses la morale Madeleine. J'ai des besoins sexuels que tu ne peux pas me rendre.

Après avoir traversé le pont de l’Île-Bizard, il tourna à droite jusqu’à la rue des Érables et stationna dans l’entrée de la maison à côté d'une autre voiture. Après avoir repris sa mallette du coffre de la voiture, il entra chez-lui. L'infirmière lui avait ouvert la porte.
-Bonsoir, Sabrina.
-Bonsoir, Monsieur.
Il se dirigea vers le salon qui avait été transformé en chambre d’hôpital pour les besoins de son épouse.
-Comment va Madeleine ce soir?
-Elle va bien monsieur, comme d’habitude. Elle a bougé les yeux quelques secondes cet après midi. Je l’ai lavé pour la nuit.
-Merci Sabrina.
Le prof s’approcha du lit. Il regardait Madeleine qui ne bougeait pas, les bras posés le long de son corps immobile. Il lui caressa la main et s’assit sur la chaise qui était posée à côté de la tête du lit à son usage. Madeleine et Jean-Pierre étaient mariés depuis 20 ans. Ils s’étaient rencontrés à l’université. Lui faisait un doctorat en philosophie, elle étudiait en sociologie. Elle était tombée amoureuse de lui, un genre de coup de foudre. Il parlait beaucoup, avait des idées bien arrêtées sur presque tous les sujets et s’exprimait avec force et conviction. Elle était plutôt timide et réservée. Ils se retrouvaient souvent avec des copains dans un café, toujours le même. Il l’avait invité chez lui un soir, il avait été séduit par sa généreuse poitrine. Ils ne s’étaient plus quittés, malgré plusieurs infidélités de sa part. Elle avait toujours fermé les yeux sur les aventures de son mari avec ses étudiantes, croyant qu’elle en était la cause, s’accusant elle-même d’être insensible aux crises d’angoisses fréquentes de son époux. Il était brillant mais fragile. Elle était timide mais forte. Elle était sa bouée. Un dimanche qu’ils étaient allés faire une ballade en vélo sur la piste cyclable, aux environs du marché Atwater, elle avait perdu la maîtrise de son vélo et était tombé en se frappant la tête sur un bloc de béton. Malgré son casque de protection le choc avait été très violent. Elle était restée dans un état végétatif. Jean-Pierre avait voulu s’en occuper personnellement et l’avait fait installer chez eux. Après quelques jours il s’était rendu compte qu'il n'en viendrait pas à bout tout seul. Il avait alors décidé de faire appel à de l’aide infirmier privé de jour et s’en occupait la nuit. Une bonne partie de ses revenus y passait malgré les prestations des assurances et le peu d’aide du gouvernement.
Jean-Pierre regardait Madeleine noyée dans son silence. Il pensait à toutes ces années passées. Il l’avait aimé par nécessité, pour calmer ses angoisses et éviter la solitude, comme un enfant marqué. Elle aurait pu être une autre. Il avait simplement besoin d’une grande personne pour s’ancrer à la vie, un port d’attache, et d’une maîtresse permanente pour ses appétits sexuels débordants. Elle avait été là au bon moment et elle l’avait adopté. Ils s’étaient habitués l’un à l’autre. Elle avait découvert peu à peu toutes ces faiblesses et ces angoisses. Il avait profité de sa force et de sa grande générosité. Ils n’avaient pas eu d’enfants. Le corps de la femme ayant peut-être refusé les gènes de l’homme avec qui elle vivait.
L’infirmière s’approcha de Jean-Pierre.
-Voilà monsieur, j’ai terminé.
Jean-Pierre se retourna
- Merci Sabrina. Ha! Au fait est ce que ça fonctionne pour la fin de semaine prochaine.
- Oui Monsieur, j’ai un collègue qui a accepté de venir veiller sur Madeleine.
- Bien! Merci Sabrina.
- Alors bonsoir monsieur.
- Bonsoir.
Jean-Pierre regarda la jeune femme noire quitter la pièce en admirant ces bonnes fesses bien rondes. Quand elle eut refermé la porte d’entré, Jean-Pierre fouilla dans son portefeuille et en sortit une petite clef. Il déverrouilla la serrure du tiroir de la commode en métal à côté du lit. Il en sortit une petite boîte en acier inoxydable. Il ouvrit la boîte qui contenait une fiole et une seringue. Il prit la petite bouteille et admira le contenu translucide. Il regarda sa femme. «Désolé Madeleine, je ne peux pas.» Il remit la potion dans la boîte à côté de la seringue, la referma et la fourra dans la poche de sa veste. Des larmes coulaient de ses yeux. Il lui prit la main et la porta à ses lèvres. Après quelques instants, il se leva et alla dans sa chambre pour faire son bagage et y déposa sa précieuse boîte de métal. Après avoir soupé frugalement, il revint auprès de Madeleine afin de l’installer pour la nuit. Il lui souleva la tête pour refaire son oreiller et cela terminé il déposa un baiser sur son front. Il hésita un instant puis il glissa sa main sur le ventre de sa femme jusqu’à son sexe pour la caresser. Il posa sa tête contre le lit, plongea deux doigts dans le vagin de Madeleine, les retira et les porta à ses narines pour en humer le parfum. Il posa la tête sur le rebord du lit et après quelques secondes il se mit à rêver en faisant le tour de sa vie, sa '' putain de vie de merde.''
Il ferma les lumières du salon et alla se coucher. Il ne dormait pas beaucoup, jonglant avec les planètes, l'univers, cherchant à comprendre, comme un enfant, le but de la vie. Le Big-Bang, le Big-Crunch. Il se voyait assistant à la fin de tout comme à un spectacle, se reprochant de ne pas être assez intelligent pour comprendre. Il croyait que la solution devait être toute simple, mais n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. L'univers en expansion... mais où?
Il s'imaginait assis dans un théâtre céleste une jeune femme noire nue, délicate avec un sourire à faire pleurer de bonheur, assise sur ses genoux et qui ne se doutait de rien de la fin des temps. Tout s'écroulait et elle lui demandait de lui acheter des bijoux. Ça le faisait sourire. Il avait commencé par se la décrire grande et mince et avec le temps lui avait dessiné une poitrine magnifique avec des mamelons charbon bien formés, un faciès de Néfertiti, des chevilles de gazelle, des petites fesses rebondies, de grands yeux de biche. Il en était amoureux. Il lui arrivait de se toucher en pensant à elle, la tête enfouie dans son oreiller en l'appelant, comme il allait jouir, du nom qu'il lui avait donné. Assia! Assia! Assia!Haaaaaaaaa!
Ses voisins de spectacle l'enviaient. Les autres hommes lui souriaient aimablement d'un air entendu. Parfois il se voyait seul dans la parterre, comme un seigneur. Elle lui passait la main dans les cheveux, un peu comme sa mère , il y a bien longtemps.
D'autres fois, la salle de spectacle était pleine à craquer de personnes en costumes de clowns. Ha! Ha! Ha! Il riait aux éclats quand les nains se courraient après dans les allées. Ou alors c'étaient des hommes en smoking qui étaient accompagnés par des madames déguisées en arbres de Noël, des glins-glins aux oreilles. Des riches qui croient pouvoir se payer de bonnes places au ciel.
Il aimait qu'elle se plaignit de sa petite voix fluette :
- Ça va commencer bientôt mon chérie? Tu sais tu aurais pu m'acheter un boubou pour l'occasion... je n'ai rien à me mettre. Je suis toute nue. Les vieux messieurs me regardent. ça me gène un peu tu sais. Tsyyyrrrrrrr.
Oui mon bébé, tu verras je t'achèterai un boubou magnifique cousu de fil d'or. Tu seras une reine.
C'est le moment qu'il préférait, quand sa Peul s'accrochait à son cou en se blottissant contre lui pour le remercier, toute joyeuse de devenir une reine. Il lui caressait les hanches, l'embrassait dans le cou, lui mordillait l'oreille. Elle avait une peau noire satinée comme le bois d'ébène qui a été poli et huilé, mate et salée. Elle lui chuchotait : Hooo! Mon chérie, tu bandes. Tu restes tranquille, je ne veux pas qu'on nous remarque. Hi! Hi! Hi! Je t'aime.
Il assistait en direct à la fin du monde sur des écrans géants dont les images étaient transmises du fin fond de l'univers par un procédé d'effet miroir spatial d'une simplicité déconcertante qu'il avait découvert en méditant sur le fonctionnement de l'espace interstellaire. Cette découverte avait fait la une des journaux spécialisées. Les autres scientifiques s'attendaient à ce qu'il reçoive le Nobel. On le reconnaissait dans l'assistance. Il avait fière allure quand il se levait sous les applaudissements polis des spectateurs privilégiés. D'abord son voisin immédiat qui le félicitait tout en souriant à la petite black si charmante. '' Félicitation cher monsieur, c'est une découverte qui vient à point''. Ensuite la rumeur circulait de banc en bancs, de rangée en rangées. Ha! Quelle fin spectaculaire. Une consécration au dernier jour de l'Humanité. Ça lui donnait des ailes de Pégase, une verge de centaure et des envies de posséder sa petite Assia, qui ne demandait qu'a le satisfaire en soupirant : Oui! Vas-y bébé, vas-y! Montre moi que tu es fort!
Il s'endormait au petit matin alors que le jour se levait. Pour quelques instants heureux, puisque le rêve était sa seule véritable évasion, surtout quand il n'était pas habité par ses idées noires de vengeance. Mais son heure viendrait.
Il revenait à lui vers les onze heures trente, réveillé par la présence de l'infirmière du matin. Il se masturbait parfois dans la douche, histoire de se remettre les yeux en face des trous, comme il s'amusait à se le dire, sauf les matins où il se préparait pour une rencontre avec la petite sourde. Bérénice. Il ne voulait pas se retrouver en panne d'érection.

INVITEZ-MOI


Un jeune homme etait assis au bout d’une longue table dans un centre de copie de l’avenue du Mont-Royal. Il découpait en forme de signets, des cartons qu’il avait fait imprimé des deux côtés. Daniel est un jeune artiste peintre sans succès qui vit très pauvrement comme tant d’autres à Montréal et probablement dans le monde. Il partage, depuis trois ans, un appartement de merde avec deux autres perdants, au troisième étage d’un quintuplex du plateau Mont-Royal. Le loyer payé, il lui reste à peine assez d’argent pour garnir son armoire d’un peu de nourriture bon marchée en espérant se rendre jusqu'à la fin du mois sans avoir à quêter ou se rendre chez Jeunesse au Soleil pour recevoir son sac de victuailles.
Un fond de beurre de peanut, quelques croûtes de pain tranché dans le congélateur, une enveloppe de soupe Lipton aux nouilles et poulet, voilà tout ce qu'il lui restait à la maison comme victuailles en cette belle journée d'automne.
Tous les fins de mois il attend son chèque. Il fait la queue à la caisse populaire en compagnie d’un bataillon de bénéficiaires de l’aide sociale de tous poils, des jeunes, des vieux, des édentés, des échevelés, pour échanger son chèque contre de beaux billets de banque. Le jour du chèque il se permet une dépense de quelques bières dans un bar de l’avenue du Mont-Royal.
Quelques jours avant de recevoir son chèque, quêtant au coin de Mont-Royal et Saint-Denis, un verre de carton tout neuf de Tim Hortin vide à la main, il s’était imaginé assis à une table d’un restaurant branché. En brassant son verre de carton dans le fond duquel se bataillaient quelques pièces de monnaie, il se voyait, les avants bras posés sur une nappe blanche, un grand verre de vin rouge attendait son plaisir, dans son assiette un énorme steak aux échalotes qui laissait peu de place à une montagne de frites minces et croustillantes. Un grand miroir scintillant réfléchissait son image le long d’un grand mur. « L’ostie d’grosse vie sale.»

Il s’était arrêté devant un restaurant branché de la rue Saint-Denis pour attendre les clients et leur demander un peu de monnaie.
- Monsieur s’il vous plaît! Mes fins de mois sont difficiles, j’ai plus rien à manger.
Un grand à tête grisonnante qui était accompagné d’une jeune poulette écourtichée s’était arrêté pour l’apostropher de son mépris.
- Criss ! T’es pas capable de faire comme toul’monde. Raconte-moé pas d’histoires puis va travailler ciboire. J’quête-tu moé Saint-crème
La blondasse s’était senti gênée par l’explosion verbale du grossier bedonnant et avait regardé Daniel d’un air dépité. Elle avait tiré légèrement son pourvoyeur par la manche de sa veste en lui collant sur le bras ses gros tétons à moitié dénudés, montés en devanture de manège. Elle s’était adressé à lui soumise et douce avec un accent de banlieue de la ville de Québec qui avait intrigué Daniel.
- Laisse donc faire Richard, tu nous fais honte mon bébé, viens-t’en!
En suivant sa femelle vers la porte d’entrée du restaurant il avait marmonné encore quelques insultes, mais quand même radoucit par le bien être que lui procurait le contact du corps de la femme.
- Ostie d’quêteux, chu'pas capable!
Puis se ressaisissant, il avait gratifié sa compagne d’une chaleureuse tape sur une de ses fesses dodues, avant de s’engouffrer dans l’atmosphère chaleureuse du resto. Daniel s’était détourné en faisant une grimace. « C’est pas aux riches qu’il faut demander quelque chose, ils prennent tout et ne donnent rien, même pas l’heure».
En reprenant le chemin de sa tournée des grands ducs, il s’était mis à pensé aux paroles du pingre : « raconte-moi pas d’histoires...» C’est à ce moment là qu’il avait eu l’idée du signet. Une histoire en échange d’un repas. L’idée avait fait son chemin de son estomac jusqu'à ses papilles en laissant un sentiment de vide dans ses tripes et de désir dans son cerveau.
Daniel avait donc quitté le commerce de photocopies et avait emprunté l’avenue du Mont-Royal, avec à la main son petit sac de plastic contenant ses signets. Il marchait d’un pas énergique, pressé et enthousiaste, sourire aux lèvres, le coeur plein de joie et l’estomac plein d’espoir et de gaz d’une aérophagie chronique. Il était quatre heures trente. Les derniers rayons du soleil du dernier jour d’été s’étiraient en aveuglant les marcheurs qui le croisaient sur la main du Plateau. Il se retenait de courir. Il avait tellement hâte d’arriver chez lui pour mettre au point une stratégie.
Manger, manger, manger. Se remplir la panse de bonne bouffe. Vider son estomac du vide qui le faisait souffrir pour le remplir de viande et de sauces. Daniel avait tourné vers la droite sur la rue de Bordeaux, il avait monté les marches de l’escalier extérieur en courant jusqu’au balcon du deuxième palier, il avait poussé la porte de l’escalier intérieur montant deux par deux les marches qui l'amènaient jusque chez lui. En entrant dans l’appartement, il s’était accroché le pied dans la dernière marche et était tombé de tout son long dans l’entrée. Il était resté allongé, hébété en riant aux éclats jouissant déjà de la bonne fortune qui allait certainement s'abattre sur son existence et changer sa vie pour toujours. Il s'était relevé enfin, toujours souriant et s'était dirigé vers la cuisine tenant fermement son précieux colis.
Il avait déposé son sac sur la table de la cuisine et était allé s’allonger sur le pauvre divan du salon usé jusqu’à la corde pour rêver et réfléchir à son projet. Rêver, c’est tout ce qu’il pouvait s’offrir comme distraction. « Mais tout ça va changer », s'était-il dit. Étendu sur le divan, Daniel défit instinctivement le bouton de son jeans et entreprit de se tripoter la queue et les couilles en revoyant en pensée la poulette aux belles fesses du plein d’marde qui l'avait insulté. Définitivement bandé il s'était masturbé en s’imaginant en train de dépouiller la belle de ses vêtements. Ses gros seins qui bougaient lourdement, ses fesses généreuses. Il la prenait en levrette à genoux sur son vieux divan son jeans aux chevilles. Il avait éjaculé enfin dans sa main gauche en soufflant, la tête enfoncé dans un coussin et le cul en l’air et s'était murmuré:'' Putain de salope, la prochaine fois j’tencule ''.
Il était passé dans la salle de toilette en titubant. Il s'était débarrassé les mains de sa semence inutile sous le robinet en souriant. '' Avec tous les mâles qui éjaculent à travers le monde, hommes, tigres et baleines, la création ne sera jamais à court de sperme. Un océan de sperme. Mis a part les chiens qui se zignent agrippés sur les jambes des tous et chacun, même les enfants, l’homme serait-il le seul animal de la création à se masturber? L’homme civilisé se masturbe-t’il plus que le sauvage? Pourquoi? La quantité de sperme résultant de la masturbation solitaire est-elle plus grande que le sperme résultant du coït ou de la pipe? Qui est le gagnant, l’homme solitaire ou l’homme assisté? Y a-t’il un psychanalyste dans la salle?''
Assis sur le courvecle de la cuvette, il riait aux éclats, les larmes aux yeux, presqu'heureux. Après ces pensées hautement philosophiques, il était passé dans la cuisine pour préparer son repas du soir. La cuisine avait gardé, dirons-nous, son cachet d’antan. Le bois des armoires qui s’inclinent vers la ligne médiane centrale de la pièce en suivant le plancher, est recouvert de multiples couches de peinture des différentes époques de son existence et les endroits écaillés laissent apparaître les différentes couleurs du passé. Un tuyau inutile en fonte, amputé de son calorifère, vestige d’un système de chauffage à l’eau chaude, courre le long d’un mur pour disparaître dans le plancher. La tapisserie des murs a été recouverte d’une croûte de peinture elle aussi. Bref, un vrai petit paradis pour célibataire en manque de sandwiches.
Daniel avait ouvert la porte de son armoire pour en retirer une boîte de raviolis, œuvre d’un chef cuisinier bien connu des mangeurs de conserves. Il ouvra la boîte de conserve avec un couteau pour verser entièrement le contenu dans une assiette à l’aide d’une cuillère à soupe. Il avait déposé l’assiette dans le four micro-ondes crasseux le temps de réchauffer les petits trésors à la sauce tomate. Il s'était assis à la table de la cuisine, les bras croisés dessus. Après quelques minutes la sonnerie s'était fait entendre. Il s'était levé pour prendre son assiette et la déposer sur la table. Il avait ouvert le réfrigérateur pour en sortir une pinte de lait qu’il croyait pleine. Il avait soupiré en se demandant lequel des deux autres colocataires avait fait la razzia sur son bien et en le maudissant. Il était allé chercher un verre dans l’évier, le lava avec ses mains et quelques gouttes de savon à vaisselle liquide et l’eau chaude du robinet , il l'avait déposé à côté de son assiette et avait versé le reste du lait dedans.
Tandis qu’il tantait de se trouver un appétit en piquant sans conviction un gros carré de pâte dodue, il avait fixé du regard le sac de signet qu’il avait posé sur la table pour les avoir tout près. Il avait porté à sa bouche un ravioli maculé de sauce rouge orangée, mais à mi chemin, dégouté par l’odeur qui avait atteint ses narines avant que la bouchée n'atteigne ses lèvres il avait lancé le grassouillet petit carré de pâte vers le lavabo. La bestiole avait frappé le mur et était tombé dans l’évier le crâne fracassé. Il s'était lève et avait quitté la cuisine pour se rendre à sa chambre à coucher en jetant un coup d'oeil, sans remord, au ravioli crevé en passant à côté de l'évier. Il avait enfilé un pantalon noir pas trop fripé, une chemise plutôt propre, était retourné dans la cuisine pour s'emparer d'une petite pile de signets qu'il avait fourré dans la poche intérieure de sa veste en velours côtelé usée.
Bien décidé, il avait quitté son logement en descendant les marches quatre par quatre jusqu'au trottoir. Il s'était rendu compte tout à coup, en se dirigeant vers la rue Saint-Denis, qu'il faisait un temps magnifique. Sur son chemin il avait croiseé des gens qu'il croyait voir pour la première fois. Arrivé devant le resto de ses rêves, il avait inspiré longuement l'air du Plateau jusqu'au plus profond de son âme. Il avait hésité quelques secondes en jetant un coup d'œil depuis le trottoir vers l'intérieur de l'établissement. Il avait repris coinfiance poussé par la faim et s'était parqué à quelques pas de la porte d'entrée quelques signets à la main.

Il en avait pris un et s'était mis à lire le texte qu'il y avait fait imprimer : '' Invitez-moi à dîner et je vous raconte une histoire vécue.'' Il avait souri. Avec toutes les aventures qu'il s'était imaginé vivre depuis sa tendre enfance. Des histoires mille fois ressassées, enjolivées de milliers de détails qu'il avait ajoutés au fil des ans, selon ses humeurs, ses désirs, ses angoisses. Elles avaient été vécues mille fois dans la souffrance d'avoir été rejeté par la petite société des enfants de son âge; de la haine de l'humanité sans âme qui ne reconnaissait pas son talent d'artiste; de son père alcoolique qui avait préféré sa bouteille à son fils qui avait tant besoin de son affection, de son frère indifférent agrippé à ses propres souffrances; de sa mère morte d'une maladie incurable dont on ne voulait pas parlé, la folie, le suicide. Une émotion avait envahie son être et lui avait fait verser une larme qu'il avait essuyé avant qu'elle ne coule de sa paupière.
- Bonsoir Monsieur, Madame.
Un couple qui s'apprêtait à rentrer dans le restaurant s'était arrêté à côté de Daniel qui leur tendait un signet.
- C'est quoi ça? Lui avait demandé la femme dédaigneusement.
L'homme d'un certain âge avait hésité avant de prendre le bout de papier. Il avait regardé sa femme qui se pincait les lèvres en regardant Daniel de la tête aux pieds. La curiosité l'avait emporté sur la mauvaise humeur de sa compagne, il avait accepté le signet. Alors Daniel, encouragé lui avait dit d'un ton souriant :
- Si vous m'invitez à dîner je vous raconte une belle histoire vécue.
La femme en s'agrippant au bras de son compagnon lui avait lancé un Pfuuu! bien senti. L'homme s'était mis à rire de bon coeur de quelques Ha! Ha! Ha!
- C'est pas une mauvaise idée, jeune homme mais comme vous voyez ma femme est plutôt snob. Alors quand je reviendrai seul, si vous êtes toujours là, j'écouterai volontiers votre histoire.
Daniel avait souri de nouveau évitant le regard de la femme.
- Merci monsieur et bonne soirée.
L'homme avait entraîné sa femme dans le restaurant en gratifiant Daniel d'un clin d'oeil. Mais l'épouse avait gratifié Daniel d'une réflection désagréable.
- J'va y en faire moé une histoire vécue. As-tu entendu ça?
- Ha famme ta yeule Rolande si tu veux pas que j'te laisse sur le trottoir avec lui, sacrament! Tu-y diras que t'as mal à la tête, ostie.

Daniel qui n'avait pas entendu la réplique du mari, avait tourné le dos au couple pour se préparer à accueillir le prochain client.
Le soleil s'était couché du côté nord de la Rue Saint-Denis. Il regardait les gens aller et venir. De l'autre côté de la rue une file de personnes qui faisaient la queue devant un marchand de crème glacée avait attiré l'attention de Daniel. Il avait remarqué que les clients ressortaient les un léchant un cornet les autres dégustant le crème glacée dans un petit bol en plastic à l'aide d'une cuillère miniature.
Mais déjà un homme s'approchait du restaurant devant le quel il faisait la garde. Grand, mince et élégant, il s'était dirigé vers l'entrée du restaurant. Daniel l'avait apostrophé.
- Pardon monsieur!
L'inconnu s'était arrête et tourné vers Daniel en souriant, mais sans rien dire. Daniel s'était approché de lui et lui offrant un signet en souriant également. L'homme avait pris le signet sans le regarder en ne quittant pas Daniel du regard. Gêné d'être regardé avec autant d'intensité, Daniel lui avait adressé la parole.
- Bonne soirée Monsieur.
L'homme lui avait souri à nouveau, en mettant le signet dans la poche de sa veste. Il était entré dans le restaurant sans rien dire. Daniel l'avait regardé entré par la porte vitrée et s'était dit à lui même : ‘’Criss! Il l'a même pas regardé. ‘’
À l'intérieur, Dominique s'était assis à sa place habituelle salué par le patron, un moustachu grisonnant au regard vif de sanglier. Un Français nerveux qui s'occupait de son affaire, qui gèrait son personnel du regard et qui faisait risette à ses clients.
Un garçon s'était arrêté à sa table pour le saluer et pour lui verser son habituel verre de Chardonnay bien frais. Il porta le verre à ses lèvres et expira un soupir de lassitude avant de prendre le liquide jaune dans sa bouche. Après avoir posé son verre il avait fouillé dans la poche de sa veste pour y prendre le signet de Daniel. Il avait lu avec amusement ce qui y etait inscrit. Après quelques instants de réflexion il avait fait signe au garçon qui s'était approché avec empressement.
- Antoine!
- Oui monsieur.
- Non je ne vais pas commander tout de suite.
Le garçon avait lèvé le nez en direction de son client attentif.
- Je voudrais que vous alliez à l'extérieur et que vous invitiez à ma table le jeune homme qui est devant la porte, s'il y est toujours.
- Pardon! Vous voulez que j'aille chercher une personne qui se tient là devant et que je l'amène à votre table.
- Voilà! Vous avez bien compris.
- Ha bon! Comme vous voulez monsieur.
Le garçon de table s'était dirigé vers la sortie en prenant un air surpris en direction du patron qui le questionna du regard. En passant à côté. De lui le patron l'arrêta.
- Qu'est-ce qu'il y a?
- Hé bien le client, monsieur Dominique, désire inviter le type qui est là devant sur le trottoir.
- Comment? Mais c'est pas sérieux ça.
Le patron retient le Garçon
- Attend je vais parler au client.
Le patron s'était dirigé vers la table de son client en souriant.
-Bonsoir monsieur! Tout va bien?
- Oui, oui! Tout va bien.
- Pardonnez-moi de vous posez cette question, mais vous êtes sérieux de vouloir inviter la personne qui est devant là, sur le trottoir.
- Oui, tout à fait. Mais soyez sans crainte, j'en prends l'entière responsabilité.
- Non, mais y-a pas de soucis. Je voulais m'assurer qu'Antoine avait bien compris. Y-a pas de soucis.
Le patron avait quitté son client la mine défaite et avait fait signe au garçon de s'exécuter. Il était retourné derrière le bar, déhanché sur le coin dans la position du gorille qui guette sans en avoir l'air. Dominique s'était souri en reprenant une gorgée de vin, assez content de lui même. Il s'était dit qu'il allait peut-être enfin se passer quelque chose de nouveau dans sa vie.
Daniel attendait toujours en faisant quelques pas de gauche à droite et à l'inverse en observant les passant. Dans un petit relâchement d'enthousiasme il s'était demandé s'il avait bien fait de dépenser tout cet argent pour faire imprimer autant de signets, mais il fut bousculé hors de ses pensées noires par une voix qui l'appellait depuis la porte du restaurant.
- Monsieur! Monsieur!
Daniel s'était retourné pour apercevoir un garçon de table qui lui faisait signe d'approcher. Daniel s'était demandé si on allait pas lui demander d'aller se faire voir ailleurs. Sans broncher d'un poil il répondit.
- Oui!
Le garçon soupira brièvement.
- Entrez, il y a un client qui vous invite à sa table.
Malgré qu'il se fut rendu devant ce restaurant avec ses signets dans l'espoir de se faire inviter, Daniel avait du mal à y croire. Il s'était mis à sourire d'un sourire incontrôlable. Son visage s'était illuminé. C'en etait terminé des boîtes de conserve. Un nouveau chapitre de sa misérable vie venait de s'ouvrir. Le monde du passé s'écroulait derrière lui. Il allait enfin vivre, se laisser vivre, manger. Il ne put s'empêcher de rire à sa bonne fortune. Son estomac lui faisait mal tout à coup, comme une plaie ouverte. Ses intestins frémissaient jusqu'à l'anus, qui battait au rythme de son coeur qui s'emballait, conscient de sa nouvelle vocation :'' Chier de le merde de qualité, de beaux étrons biens formés, avec de vraies odeurs de merde de riche.'' ''Les pauvres ne chient pas comme les riches.'' Il allait s'asseoir avec dignité sur un siège immaculé de bol de chiotte de riche, dans une toilette parfumée à la lavande. Il allait prendre rendez vous avec les chiottes du Ritz ou d'un autre établissement distingué pour vider ses intestins. Il s'était regardé et s'était trouvé beau tout à coup. Beau comme un prince à qui on essuie les fesses devant une assemblée de courtisans. '' Sa majesté pue'', c'était lui.
- Monsieur!
Daniel était revenu à lui. Il avait remis ses signets dans la poche de sa veste et s'était dirigé vers l'entrée du petit resto français en essuyant ses habits. Le garçon lui avait tenu la porte et était passé ensuite devant lui en lui faisant signe de le suivre. Daniel se laissait guider dans l'allée centrale du resto. Il n'avait pas remarqué le patron qui le dévisageait. Ca sentait bon l'ail et les frites. Les lumières scintillaient dans les lampes accrochées aux murs. Le mur de droite était un long miroir de haut en bas qui allait de la fenêtre de la rue jusqu'au mur du fond. Les tables de deux et de quatre se côtoyaient et se suivaient de chandeliers argentés en nappes blanches. Il y était.
Le garçon s'était arrêté devant la table du grand mince.
- Voici votre invité Monsieur
Daniel avait reconnu le client muet de tout à l'heure. Il lui avait souri debout devant la table.
- Bonsoir jeune homme. Il semble que nous allons passer un petit moment ensemble alors je vous invite à vous asseoir.
Daniel s'était exécuté en remerciant son hôte.
- Merci Monsieur.
Dominique avait ensuite fait signe au garçon de s'approcher.
- Antoine apportez-nous une bouteille de Mouton Cadet et deux verres.
- Bien Monsieur.
- Vous aimez le vin rouge jeune homme?
- Oui Monsieur.
- Bravo! Ca donne un petit coup de fouet et ça ouvre l'appétit.
Daniel avait souri et n'avait rien répondu. Il s'était dit à lui même : j'ai pas besoin d'un coup de fouet pour m'ouvrir l'appétit, ça fait des années que j'ai faim. Après coup, il avait tenté une parole pour ne pas avoir l'air idiot.
- C'est très beau ici
- Oui, pas mal. Je pense qu'on devrait commencer par se tutoyer, je trouve que le vouvoiement met une petite distance un peu guindée.
- O.K.
Le Garçon qui s'éait approché avec la bouteille de vin rouge à l'étiquette de la famille Rothshild s'activait à l'ouvrir avec doigté. Il avait posé ensuite le bouchon de liège devant Dominique qui sourit.
- Je vous fais confiance Antoine.
Sans rien dire le garçon avait versé une petite quantité de vin rouge dans le verre de Dominique et attendait. Dominique avait pris le verre avec un peu de nonchalance l'avait porté à ses lèvres et goûte le vin. Daniel avait souri encore. Il regardait Dominique faire, avec joie, comme dans un film. Tout autour de lui les clients étaient à leurs repas et le patron guettait un peu moins tendu.
- C'est très bien Antoine, vous pouvez nous servir.
Le garçon de table s'était exécuté avec dextérité en remplissant à moitié les deux verres. Il avait posé la bouteille sur la table et s'était éloigné. Dominique avait levé son verre et invité Daniel du regard à en faire autant.
- Quand on lève son verre, il est de coutume de se souhaiter bonne santé tout en se regardant dans les yeux. Alors santé
- Santé.
Daniel allait enfin portetr son premier verre de vin de sa nouvelle vie à ses lèvres. Le bouquet du vin avait envahi ses narines bien avant que le verre touche sa bouche. Il jouissait de cet instant tant désiré avec bonheur et délectation. Ce geste simple et banal contenait toute se délivrance. Il avait laissé couler dans sa bouche cette substance enivrante et avait goûté au bonheur de bien vivre. Il lui avait suffi d'une gorgée de vin rouge pour se sentir enfin exister. Il avait lentement posé son verre sur la table sous le regard de Dominique qui se rendait compte tout à coup de toute la distance qui les séparait. Dominique avait eu l'impression d'être une oasis qui rencontre un désert. Son coeur s'était serré en observant ce garçon démuni et il lui avait semblé découvrir même un peu de noblesse dans ce visage tourmenté.
- Le vin est à ton goût
- Merveilleux.
- Tant mieux.
- Avant de regarder le menu, on va faire un peu connaissance si tu veux bien.
- Bien sur.
- Alors Moi c'est Dominique
- Moi c'est Daniel.
Daniel avait tendu gauchement sa main à Dominique qui l'avait prise délicatement en lui souriant. Daniel s'était senti un peu inconfortable au contact de la main froide de Dominique mais il ne laissa rien paraître.
- Moi je suis dentiste et toi
- Moi je suis artiste peintre.
Daniel avait affirmé son état d'artiste avec fermeté et conviction. '' C'est pas le moment d'avoir l'air d'un ti-coune '', s'était-il dit.
- Artiste peintre. C'est très bien.
- Bof!
- Est-ce que tu exposes tes oeuvres dans une galerie.
- Non pas vraiment.
- Donc tu ne vis pas de ton art
- Non.
- Ça viendra
- Je l'espère.
- Mais si j'ai bien compris le sens de ton invitation tu te lances dans le récit.
- Si on veut.
- Et quel genre d'histoire vas-tu me raconter ce soir?
Dominique avait compris que Daniel était surtout pauvre avant d'être artiste peintre.
- J'avais pensé vous raconter une histoire fantastique.
- Mais oui pourquoi pas. Sans oublier qu'il faut se tutoyer et qu'on va d'abord commander à manger.
- O.K.
Dominique avait levé à nouveau son verre et Daniel l'avait imité en vidant le sien. Dominique avait pris plaisir à remplir le verre de Daniel au trois quart. Daniel qui avait vu son verre se remplirà nouveau avait sourit aux anges qui l'avaient guidé jusqu'à cet homme qui, s'était-il dit, devait être un peu gay. Mais il s'en foutait, lui qui avait souvent fait des remarques grossières sur les homos, s'était surpris à trouver celui-ci, certainement par la force de la situation, assez sympathique. Il s'était dit en riant intérieurement aux éclats, qu'il lui ferait peut-être même une petite branlette si le fifi le lui demandait, tellement il etait heureux. Daniel avait repris son verre en regardant Dominique.
- Dominique! Je lève mon verre à ta santé. Je suis très heureux d'être ici avec toi ce soir.
Daniel s'était demandé après coup s'il n'en avait pas trop mis? Puis avait ajouté à sa réflection:'' La branlette, O.K. mais pas plus... ''
Dominique trouvait définitivement Daniel très sympathique et leva son verre à son tour.
- Et moi je lève le-mien pour te souhaiter une longue carrière de compteur d'histoire dans les plus beaux restaurants de Montréal... et pourquoi pas du monde.
Daniel qui n'avait pas trop souvent eu l'occasion de boire de vin, commençait à sentir l'alcool lui monter à la tête.
- Je commence à sentir l'effet du vin.
- Ha oui! Ha! Ha! Ha!
- Ça fait longtemps que j'ai pas senti ça.
- Je pense qu'on devrait commander à manger avant que ton histoire fantastique se transforme en histoire de fesses.
- Ha! Ha! Ha! Ha! Bonne idée.
- Dis-moi! Qu'est-ce qui te ferait plaisir de manger?
Daniel qui avait pris quelques rougeurs de chaque côté du nez, avait du mal à contenir son hilarité.
- Si c'est O.K. Hun! Hun! Hun! J'pense que j'aimerais un steak avec une montagne de frites.
Après avoir exprimé son désir de frites, il s’était mis à visualiser une montagne de frites. Il sourit tellement fort que les muscles de ses joues lui avaient fait mal, un peu comme quand il fumait du pot et qu'il ne pouvait s'empêcher de sourire comme un idiot avec ses copains, les yeux givrés, la bouche sèche, un peu comme si son cerveau s’était lentement inondé de brume, baignant dans un état d’apesanteur figé.
- Excellente idée! Je te suggère une bavette à l'échalote. Elle est merveilleuse ici. Flambée à l'Armagnac. Tu vas sortir d'ici un autre homme. Ha! Ha! Ha!
- O.K. Pour la bavette. Hun! Hun! Hun!
- Saignante
- Médium.
- Comme tu voudras, c'est toi qui va la manger.
- Ha! Ha! Ha! Mes dents sont prêtes.
Dominique avait fait signe à Antoine, tandis que Daniel se massait les muscles de la mâchoire en regardant les personnes des autres tables.
- Oui monsieur! Vous êtes prêts à commander
Daniel avait remarqué à une table plus au fond du resto une jolie femme noire dans une robe émeraude qui était accompagnée d’un homme blanc très élégant. Il l’avait observé intensément. Elle avait une bouche aux lèvres charnues bien dessinées et un sourire de dents blanches qui tranchait sur sa peau noire mate.
- Oui Antoine. Apportez-nous quelques petits amuses gueules pour nous faire patienter et ensuite deux bavettes avec frites, l'une saignante et l'autre à point.
- Bien monsieur. Une petite salade avec la bavette
Dominique avait regardé Daniel en souriant, répétant à la manière du garçon de table, comme s'il devenait tout à coup un gamin effronté.
- Une petite salade?
Mais Daniel était absorbé ailleurs, dans ses fantasmes aux couleurs de cette belle femme noire.
- Huhum!
Daniel revint soudainement à la réalité et avait regardé Antoine en souriant et en lui faisant signe de la main pour tenter d’expliquer par ce geste qu’il était dans un autre état pour un bref instant.
- Une petite salade?
- Une salade? Heuu! Non merci, je laisse ça pour les lapins.
- Ha! Ha! Ha! Alors pas de salade Antoine. Merci!
- Je vous mets quand même les haricots Monsieur?
- Oui Antoine, quelques haricots.
Avant de quitter la table le garçon avait vidé la bouteille dans les verres et avait regardé Dominique le questionnant du regard en agitant la bouteille vide. Dominique lui fait signe que non.
- J'pense que j'va aller faire un petit pipi Dominique.
- Je t'en prie. Les toilettes sont au fond à gauche.
- Merci.
Daniel s'était levé de table avec un peu de difficulté, l’alcool faisant son effet, et s'était dirigé lentement vers le fond du resto. Antoine en avait profité pour se retourner et regarder dans la direction où Daniel s’était perdu. Il avait remarqué également la jolie femme et avait souri.
Arrivé devant la porte des toilettes au masculin, Daniel avait pris une profonde inspiration en souriant d’aise avant d’entrer. La poignée en bec de canne de porcelaine blanche était froide.
Il avait étét un peu déçu de la petitesse du lieu. Il s’était attendu à plus luxueux. Quoique s'était-il dit, les Français n’ont jamais été très forts dans les chiottes. Il s'était regardé dans le miroir et s'était souri tout en défaisant la ceinture de son pantalon qu’i lavait laissé tomber jusqu'à ses genoux. Il avait descendu son sous vêtement à mi cuisse et s’était assis sur le bol. Il allait tout simplement pisser assis, comme un roi sur son trône. Il s'était demandé s’il ne pourrait pas y laisser également une petite crotte. Il fit un petit effort et au lieu de la crotte attendue, il avait expulsé un méchant pet qui avait résonné dans le bol comme une note de tuba effrontée. Il avait éclaté de rire et laissé enfin sa vessie se vider. Trés satisfait de lui même, il s'était relève en prenant sa verge dans sa main droite et avait entrepris de la faire durcir. Content de la voire bander, il s'était demandé s’il avait le temps de se faire jouir avant de retourner à table. La petite black en vaudrait bien la peine. Il avait hésité et décid`é finalement de la faire attendre. '' Elle va attendre son tour. J'va la planter à la maison, la petite cochonne.'' Son pantalon refait il s'était lavé les mains et quitté le lieu de ses futures substances fécales de conséquences.
Théo attendait songeur.
- Ha! Te voilà
- Me voilà.
- Avant de poursuivre, il faut que je dise quelque chose à propos de moi.
- Oui?
- Mais avant terminons le repas.
- Tu ne veux pas que je te raconte une histoire.
- Mais oui évidemment. Ha! Ha! Ha! Mais nous avons le temps. Mangeons d’abord. Tu aimes ton steak!
- Super, merci.
- Tant mieux!
Dominique avait souri à Daniel.
- Je t’ai dis que j’étais dentiste, mais je ne t’ai pas dis pourquoi.
- Heu! Non! Heu! Heu! Heu!
- Hé bien voilà, je suis devenu dentiste parce que mon père voulait que je devienne médecin comme lui.
- Ha! Ha!
- Oui, je sais c’est con mais je voulais faire autre chose que d’écouter les patients me raconter tout sur leurs petits bobos et grandes douleurs.
- La je te comprends Dominique. Moi non plus je serais pas capable.
- Alors je me suis dis que si je devenais dentiste, mes patients auraient la bouche grande ouverte sans pouvoir dire un seul mot. Tu comprends?
- Pas à peux prêt. Hun! Hun! Hun!
- Il faut que je te dise que je ne suis pas comme toi.
- Ha!
- Je veux dire… j’ai remarqué que tu avais regardé en direction de la femme noire là bas.
- Ouan! Belle poupounne.
- Ce que je veux dire c’est que pour ma part je ne m’intéresse pas vraiment aux femmes.
- Cou-donc Dominique es-tu en train d’essayer de me dire que tu es gay?
- Heu! Oui c’est un peu ça.
- Ouan! À vrai dire je m’en doutais.
- Ha bon! Ça se voit tant que ça.
- Non pas vraiment. Mais ca se sent quand tu me regardes. Je le vois dans tes yeux. Tu me regardes un peu comme je regarde les femmes.
- Ha!
- On ne peut pas vraiment échapper à sa condition et à ses bas instincts. Mais j’espère que ça ne t’ennui pas?
- Mais non. Fais-toi s’en pas, j’suis pas du genre anti…
- Fifi!
- hehun! Je cherchais un mot moins…
- Ça ne me choque plus. Ça fait longtemps que j’ai accepté.
- Mais bon il faut que j’te dise que je ne suis pas…
- Oui je sais! Pas comme moi. Comme ça les choses sont claires.
- Merci Dominique.
- Mais tu sais à l’époque où je me suis rendu compte que je préférais les gars… Mais ça t’ennui pas qu’on parle de ça?
Daniel terminait ses frites et fit signe non de la tête.

PASCALINE

Le matin s’éveillait avec indolence sur la campagne endormie. La nature avait du mal à ouvrir les yeux. Des nuages de brume enveloppaient ça et là le paysage à hauteur du sol, poussés par moments par un léger souffle de vent accompagné de crachin. Une petite grisaille qui accentuait l’impression d’isolement. Par une lucarne de la grange où nous avions passé la nuit, je contemplais un immense champ de maïs abandonné sur pieds. Il flottait à l’intérieur une agréable douceur humide. Je me sentais bien. La fin de l’été, le début de l’automne. J’ai toujours aimé cette saison ambiguë. Marcher sous la pluie fine, sentir les gouttelettes sur mon visage. La solitude, la paix.
Les premiers épis commençaient à environ deux cents mètres des bâtiments en bordure d’un terre-plein de terre battue semé de gravier et de quelques touffes d’herbes chenues et s’étendaient au loin en longeant le chemin du rang et sur la gauche une rangée d’arbres roux. Une voiture s’était immobilisé, là bas, phares allumés.
Je me suis dit : « probablement un écarté. »
Le corps nu enveloppé dans une couverture de laine qui me grattait la peau, je m’étais blotti contre le cadre de la fenêtre en bois brut et mon attention s’était portée sur une goutte d’eau qui descendait par petites coulées, le long de la vitre en frissonnant. Le bonheur est un léger murmure fugace qui nous caresse gentiment et qui s’enfuit dès qu’on a le dos tourné.
Par moments, j’inspirais longuement et profondément ce bonheur jusque dans mon âme comme si je pouvais faire des réserves, me purifier de toutes les vilenies, les traîtrises, les lâchetés. Je remplissais mes poumons de cet ensemble d’air humide, d’odeurs de renfermé et de foin vieilli, scrutant mon corps de profonds soupirs.
Nous avions fait l’amour pour la première fois dans un petit « tourist room » miteux de la rue Sherbrooke, situés en face de l’ancien Collège Sainte-Marie devenu un ensemble de condos pépères.Le couette et bibitte appartenait à une Française que protégeait un chien doberman inquiet qui faisait les cent pattes derrière le petit comptoir de la réception. Le quadrupède s’arrêtait, humait l’air de son long museau et repartait de plus belle. L’ancienne belle avait gardé un accent plus ou moins parisien teinté de quelques mots québécois prononcés à la française. Pas méchante la vieille, de beaux restes quoi. Un joli sourire avenant de vendeuse de culottes avec de belles dents saines un peu fortes de croqueuse de fortune. Si elle avait eu quelques années de moins je serais bien repassé pour la tringler sur son comptoir.
Je me suis dit : « C’est ça, la queue pour la pitounne et les couilles pour le pitou.»Je me souvenais que l’escalier bancal qui montait à l’étage était recouvert d’un tapis vert foncé de bonne qualité, épais et moelleux qui étouffait les craquements du bois des marches. La chambre était propre sans excès, le lit un peu éreinté. Quand elle avait entrepris de retirer ses vêtements, je l’avais retenue. « Laisses-moi faire.» Elle s’était plantée devant moi avec son petit air effronté. Elle était jeune et belle. En lui retirant son soutien gorge ses seins de belle taille, pleins et ronds avaient à peine esquissés une chute vers le bas. Je me suis dis : '' Sophie Marceau peut aller se remettre le sien''. Je lui ai fait l’amour avec beaucoup de plaisir, en abusant de sa jeunesse.
Je crois qu’il n’y a que les jeunes femmes sans beaucoup d’expérience qui ne négocient pas leur plaisir et le nôtre bien entendu. Un plaisir fait de timidité conquise et de l’effet qu’elle produit chez le mâle qui la prend avec fièvre. Peu à peu le plaisir charnel fait son chemin, les bouts des seins qu’on mordille, les fesses qu’on triture, la bouche qu’on envahit de sa langue, de son sexe qui bande, sa touffe qui mouille, tout son corps désire être caressé léché. Le pouvoir et le négoce viennent plus tard, après quelques amants, quelques déceptions. J’aime les jeunes filles. Après c’est plus pareil.La découverte de son corps, sa gêne, cette petite angoisse qu’elle vivait aux premiers instants où elle se trouvait nue devant moi se demandant si elle me plaisait toujours autant, scrutant mon regard pour voir si je la trouvais toujours jolie, si je la désirais toujours, si je bandais aussi fort. J’en avais gardé un souvenir brûlant qui m’avait hanté bien longtemps après notre séparation. Maintenant que je paye pour baiser des jeune femmes, je maudis le temps qui fait son œuvre sur mon visage, sur me mains et tout mon corps. Aimer une femme beaucoup plus jeune, c’est comme revivre sa jeunesse en trichant. Mais qu’importe le mensonge, la tricherie, on ne vit qu’une fois. Je donnerais bien les dix dernières années de ma vie pour conserver le pouvoir de séduire des jeunes femmes jusqu’à la fin.J’avais rencontré la petite dans une pharmacie de biais avec la station de métro Mont-Royal. Elle se tenait devant un étalage de flacons d’eau de toilette pour hommes. Au moment où je m’étais approché d’elle, poussé par un démon que je connais bien et qui me force vers les plus belles aux formes voluptueuses, celles qui ont un regard doux et aimable, presque fragile. La petite vaporisait l’air d’un nuage parfumé, et, sur le bout des pieds qu’elle avait menus, en allongeant le cou comme une ballerine, du bout du nez, elle humait avec précaution la bruine qui arrivait jusqu’à ses narines dilatées. Ho! Le joli spectacle. La féminité en herbe qui s’exprime naturellement. J’étais sous le charme.Elle avait senti ma présence et s’était retournée vers moi avec un air de culpabilité retenue en faisant la moue de ses lèvres charnues bien colorées, une petite gueule à se faire sucer les babiches. Puis elle me dit : «J’arrive pas à me décider.» Sa voix était douce et ses dents blanches et bien alignées tranchaient sur sa peau un peu méditerranée. Pas olive, pas café au lait. Je ne sais pas. Belle, belle, belle. Il y a de ces Québécoises qui tiennent d’on ne sait qui, qui s’amènent d’on ne sait où et qui sont là, innocentes, pour le plaisir des yeux de ceux qui les croisent. Heureux le promeneur Montréalais.Elle avait du faire l’essai de plusieurs flacons. L’air ambiant était irrespirable. Je lui dis le plus naturellement possible, sans trop insister de mon regard de conquistador qui découvre une proie facile, mais tout de même en lui suggérant finement qu’elle pourrait plaire si je me laissais tenter : « je sens que ce n’est pas la bonne, encore une fois.» Elle se mit à rire en cachant une partie de sa bouche de sa main fluette comme font les courtisanes japonaises.
Ça doit sentir full pas bon hein?
En entendant ces paroles, je me suis dit qu'elle avait reçu une éducation d'école polyvalente. Ella ajouta
J’ai du mal à choisir la bonne senteur.
Je me suis senti encouragé à pousser plus loin la conversation.
Évidement avec tout ce qui nage comme odeurs dans les parages, ça sera de moins en moins facile de trouver.
Vous pourriez peut-être m’aider? C’est pour la fête de papa.
La fête de papa! Elle m'avait dit cela en me regardant droit dans les yeux et en me souriant comme une vendeuse de croissants qui offre ses plus beaux spécimens. La fête de papa! Je lui aurais bien donné un petit coup de toute ma virilité à la santé de son papa, mais l’endroit ne s’y prêtait pas bien.Elle avait employé le vouvoiement pour me poser sa question. « Petite pisseuse.» Ce n’était sans doute pas par politesse. Chez les jeunes d’aujourd’hui, l’emploi du vous n’est guère utilisé. C’était sans doute pour consacrer la différence d’âge qui nous séparait. « Pour l’instant, belle petite pisseuse.» Il fallait qu’elle comprenne rapidement que j’étais toujours un grand chasseur de fesses.- Eh bien, si c’est pour papa, celle-là est très bien!
J’avais pointé mon index vers une boîte verte et dorée en me disant : « Son papa va sentir le vieux fifi avec cette eau de toilette de merde. Vivement que je puisse me fourrer la bestiole dans la fournaise de sa fille.»
Celle-là, je l’ai senti tout à l‘heure!
Pourtant, je m’y connais en eau de toilette pour homme. De plus c’est pour votre papa, ou peut-être pour votre petit ami?
Je n’ai pas de petit ami.
Elle m’avait répondu en rougissant. « Petite menteuse», que je me suis dis. «Attends que je te bouffe la baveuse, tu vas rougir des fesses au chignon.» J’avais utilisé le mot vous en insistant pour lui montrer que moi aussi j’étais poli. Je crois qu’elle avait compris que son petit jeu m’intéressait. Elle me souriait divinement. Je suis convaincu que la plupart des femmes viennent au monde avec le mode d’emploi imprimé sur les fesses. Elles savent jouer de leurs charmes dès leur plus jeune âge et elles apprennent à tricher très tôt, les malhonnêtes. Quelque chose dans son regard me disait que j’avais marqué des points au tableau de la séduction. Et je crois qu’elle avait deviné mon intérêt pour sa jeune personne l’ensorceleuse. Après avoir choisi la boîte que je lui avais indiquée, je l’ai suivi jusqu'à la caisse en admirant le balancement de ses hanches qu’elle forçait un tantinet et qui formaient, tour à tour, de belles rondeurs dodues à la limite de ses reins. Dehors je lui ai offert de la raccompagner. Elle accepta sans la moindre hésitation. Chemin faisant, comme l'heure avançait, je l’ai invité au restaurant.
D’accord, mais il ne faut pas que vous vous imaginiez que je suis une file facile.
Mais pas du tout! Mais comme je suis seul ce soir, ça me fait plaisir de t’inviter.
« Fille facile, ha! Attends, tu n’as rien vu encore.» Je lui aurais bien arraché sa culotte avec mes dents, en grognant, comme un loup, si toutefois elle en portait une, là, tout de suite, dans la voiture, au feu rouge. Mais bon, il valait mieux attendre encore un peu… Je suis très gentil avec les femmes. Pourquoi pas. Il faut savoir ce que l’on veut. On peut tout obtenir quand on a la bonne manière. Mais comme c’est presque différent avec chacune, il faut tenter toutes sortes de choses avant de trouver ce qui la fait craquer. Elle ne doit pas se sentir pute, du moins pas la première fois. Si non on risque de se retrouver la bitte sous le bras, comme le disait Brel. Ce n’est qu’une fois bien installé sur le talus qu’il faut abuser. C’est comme ça. Il est également indispensable d’aller au delà de se attentes. Prendre sans trop attendre et surprendre.
Alors! Où m'amènes-tu manger? J’ai beaucoup faim! Au fait comment tu t’appelles?
À la bonne heure, on en était enfin au tutoiement.
Tu veux connaître mon nom?
Attends, je vais essayer de deviner!
Ah la, la! Ces jeux infantiles auxquels il faut se prêter. Tandis qu’elle me débitait une suite de noms vieillots du temps de Mathusalem, je lui jetais des regards pleins de sourires, je la caressais des yeux, passant de sa bouche à ses seins, ses cuisses. Elle en prenait plaisir la petite sorcière.
Tu n’y arriveras pas si tu persiste à me donner des noms de grand-père.
O.K. Je donne ma langue au chat. C’est quoi?
Je lui ai donné mon nom et tout de suite je suis passé à l’attaque.
Si tu es d’accord, au lieu d’aller au resto, je t’emmène à l’hôtel et on va faire monter du chinois à la chambre. On va être plus confortable.
Comme elle ne répondait pas, tout en me regardant de travers avec un semblant de remontrance, j’ai compris qu’elle acceptait. J’ai tout de suite arrêté la voiture devant le Shangri-la tourist room. Il y avait bien longtemps que je ne m’étais pas trouvé là. « Bien joué l’araignée, tu vas encore te régaler. J’espère qu’elle joue aussi bien aux fesses qu’elle joue de ses yeux cochons.»
Au fait ma belle, comment tu t’appelles?
Pascaline.
Tout en regardant le champ de maïs, au loin, je rêvais à cette première fois où je l’avais prise et reprise avec douceur et tendresse mais sans retenue. Elle avait des fesses rondes et pleines. Le bonheur. Je pensais à la différence d’âge qui nous séparait et je me demandais ce qui pouvait bien attirer une jeune femme de vingt dans les bras d’un homme qui en avait le double. Certaines diraient, surtout les femmes de mon âge : « un vieux cochon qui pourrait être son père.» En général, les épouses acceptent mal d’être remplacées par plus jeunes qu’elles, ne fut-ce même que pour une seule nuit. Comme j’ai toujours eu un tempérament primesautier, très rapidement j'ai eu à subir les foudres de ma légitime, quand il m’arrivait de m’attarder aux caresses amoureuses d’une belle jusqu’aux petites heures du matin et de rentrer au domicile conjugal les traits tirés, mais sans aucun remord. Alors, après quelques incartades nocturnes, un matin, une valise m’attendait devant la porte, pleine de mes vêtements avec un mot m’invitant de retourner là où j’avais passé la nuit. Le Shangry-la tourist room est devenu mon chez-moi pour quelques semaines. La belle Française m'avait gratifié de ses caresses mais avait refusé de me faire une petite réduction sur la note. Pas mal la vioque. Trop de dents pour faire une bonne pipe, mais elle s'était montré une bonne cavalière à califourchon sur ma queue en retenant sa poitrine de ses mains. Tigeddup, ma'tante!
La grange nous couvait. Enfouie sous la paille blonde, Pascaline sommeillait encore comme une souris dans son nid. Ses longs cheveux noirs recouvraient une partie de son visage. Elle avait le cul généreux, les fesses bien rondes, les hanches fortes sans être trop larges, sa toison de jais couvait la braise de lèvres charnues. Le paradis. Oui je sais je me répète un peu mais si vous l'aviez vue... Cette nuit dans le vieux bâtiment avec elle s’était écoulé douce et merveilleuse avec dans l’atmosphère qui s’était créé du fait de notre intimité sans gène, des odeurs de paille humide, de vieux souvenirs d’enfance et de baise. « S’il n’y avait pas de ces occasions de tendresse et d’amour, la vie serait triste et même presque insupportable.»
L’esprit encore dans les rêves, mes yeux furent attirés par un grouillement inattendu dans le champ de maïs. Des mouvements brusques et frénétiques troublaient la tranquillité des lieux. En plissant les paupières pour mieux voir, j’aperçus deux formes humaines, séparées l’une de l’autre de quelques mètres. Ils semblaient se poursuivre, ralenties dans leurs courses par la forêt de maïs. Moins d’une minute après cette découverte, le premier défricheur réussit à se dégager des premiers plants en titubant. À bout de souffle, il trébucha, se reprit en jetant un rapide coup d’œil par-dessus son épaule et repartit haletant en direction de la grange où nous étions. Le second apparut à l’orée du champ à peine quelques secondes derrière celui qu'il poursuivait, une arme de poing à la main. Il s’arrêta, pointa son arme et tira dans la direction du premier qui s’effondra. « Ciboire de marde! Qu’est-ce qu’il fait là le sacrement.» Les coups de feu avaient quelque peu réveillé Pacaline qui grogna. -
C’est quoi?
C’est rien ma chatte, fais dodo.
J’ai froid!
Je vais t'abriller, tiens ma poulette, fais dodo.
J’ai rapidement posé ma couverture de laine sur le corps de Pascaline et je suis revenu tout aussi vite à la lucarne pour voir où en était l’assassin. Il se trouvait auprès de sa victime et jetais instinctivement un regard vers la grange. J’ai enfilé mon pantalon sans mon sous vêtement en faisant le moins de gestes possible. Pascaline s’était plus ou moins rendormie et sifflait légèrement du nez. J’ai replacé la couverture pour recouvrir complètement Pascaline. Je me suis couvert de mon chandail molletonné, à l’envers, l’étiquette par devant. De retour à la vitre, j’ai eu le temps de voir le gredin tirer le corps inerte par les pieds, face contre terre, vers la grange, laissant un sillon derrière lui. « Ayoye! Y va avoir de la grenaille plein le nez. Y sera pas beau à voir. Sa mère le reconnaîtra pas.» Je me suis mis à sourire malgré le stress qui rendait mes muscles tendus. J’ai pris une courte mais profonde inspiration. « Bon on va avoir de la visite, ostie.» Je me suis allongé devant Pascaline à l’arrêt comme un setter irlandais.
La grange avait été construite la double porte, face au soleil levant, s’ouvrant sur un plancher de terre battue et au fond il en restait les signes d’une petite bergerie. Une échelle montait vers ce qui avait dû être un espace pour l’entreposage du fourrage, vu la grande quantité de foin de luzerne qui s’y trouvait encore. C’est là-haut que nous nous étions installés elle et moi.
J’attendais la venue du couple.
Pascaline avait apporté avec elle un sac a dos qu’elle appelait son sac à baise. Deux couvertures de laine, une grande bouteille d’eau et du papier cul, les brosses à dents et un pique-nique composé d’un poulet bbq froid entier, d’un petit pot de confiture de cassis, d’une brique de pain de Savoie et de quelques oranges. Pour ma part j’avais apporté une bouteille de rouge pour mouiller nos agapes de quelques rires d’ivresse et un petit flasque de brandy pour les brosses à dents.Tapi dans la paille, je guettais, par le trou d’un nœud d’une planche, la porte qui allait sans doute s’ouvrir d’un moment à l’autre, l’oreille attentive au souffle de Pascaline. « Si la petite se réveille pendant que l’enfant de chienne fait sa job, on va être dans marde pour vrai.» J’ai soudainement eu l’idée de sauter par la fenêtre et courir jusqu'à à la voiture qui était garé plus bas. J'y avais laissé mon pistolet. Mais je me suis résigné à resté plaqué contre le bois. La manœuvre me semblait trop dangereuse. Premièrement à cause de la hauteur du bâtiment, je risquais de me blesser. Le moment aurait été mal choisi pour me casser une jambe. Deuxièmement, si Pascaline se réveillait, elle se trouverait dans de mauvais draps. Le mieux était de rester là où j’étais et d’attendre la suite des événements. Je sentais battre mon cœur dans tout mon corps et jusque dans mon trou de balle. « Tout passe par le cul, la peur itou.» La porte s’ouvrit poussée par l’inconnu. Il traîna son colis vers le fond de la grange et le laissa tomber sur des bottes de foin défaites juste en dessous de nous. Il m’était impossible de le voir faire. J’écoutais, tendu, prêt à bondir à la moindre alarme, pour sauver ma peau et celle de ma petite souris. Au bruit qu’il faisait, j’ai supposai qu’il devait fouiller les poches de sa victime. Il s’écoula une éternité avant que le furet s’en retourne par où il était venu. L’homme de taille moyenne avait des souillures de glaise à ses bottillons à talons. « Encore un ti-cul qui rêve d’être grand.» Avant de sortir par la porte il se retourna une dernière fois vers le mort en soupesant un sac transparent deux fois grand comme la main rempli d’une substance blanche qu’il glissa dans la poche de sa veste en cuir noir. « Règlement de compte et coke.»Avant de fermer la porte, il leva la tête dans la lumière huma l’air de l’extérieur avec un sourire satisfait et il cracha en direction de son infortuné compagnon avant de reprendre la clef des champs,Il avait une vraie tête de mafioso. Des petits yeux méchants, les cheveux corbeau, le sourcil épais qui ne formait qu’une ligne au dessus de ses yeux. Une cicatrice lui descendait en diagonale de l’oreille à la naissance du nez comme si son oreille était reliée à son trou de nez par une ficelle. Probablement un Latino. « Rien à voir avec Valentino.» Quand je me suis remis prudemment à la fenêtre, je l’ai vu reprendre le sentier lumineux des épis. La voiture du bout du champ était sans doute la sienne. « vas-t’en maudit corbeau à marde.» Je me suis repris en inspirant longuement. La brume s’était dissipée. Le calme était revenu. Je me suis allongé tout contre son corps chaud en la prenant par la taille. J’ai enfoui mon museau dans ses cheveux pour sentir son odeur et j’ai lentement avancé ma main de son ventre à sa poitrine que j’ai tripotée amoureusement. Pascaline s’éveillait. Elle émergeait de sa cachette, sortait de dessous le foin, baillant et m’appelant de sa petite voix endormie.
Qui est là? Dit-elle en s’étirant.
C’est moi! Le gros méchant loup.
Quel temps y fait mon gros loup?
Un petit temps de cul ma belle.
Ca tombe bien j’ai envie de rester couchée. Mais veux-tu bien me dire c'que tu faisais à bardasser depuis tout à l’heure. Un peu plus et je te foutais une calotte.
J’observais un petit rat
Un rat, dit-elle dégoûtée.
T’en fais pas, y est parti. Un petit rat noir pas beau.
Les cheveux embroussaillés, nue sous la couverture de laine. Elle m’observait du coin de l'oeil. Par un subtil mouvement de sa jambe elle me dévoila son corps tout entier et satisfaite de l’effet produit, elle ajouta :
Viens vite te chauffer vieux macho, j’ai froid.
Oup-poup-poup-poup… Macho si ça te fait plaisir mais vieux, pas question. Je vais te montrer de quel bois dur je peux te chauffer les fesses ma petite poulette.
Allé! Viens me faire du bien
J’ai retiré mes vêtements et je me suis recollé contre le corps moelleux de Pascaline. Je pensais au blondinet qui refroidissait en bas. ''C’est pas l’ambiance qui manque.'' Mais la bonne odeur du corps de la biche qui miaulait déjà eut tôt fait de balancer à plus tard ces pensées macabres, le temps d’une partie de ça-va-ça-vient. « Diable que la chair est faible. Dieu merci.»
Après l’amour, la faim se fit sentir.
Gros loup! Prépare la bouffe pendant que je me lave les fesses. J’en ai partout.
C’est pas de ma faute.
Bien non, ça doit être la faute du gars d’en bas.
Je me suis retourné vers elle la bouche ouverte. Je devais la regarder avec un air surpris.
Ben quoi?
Le gars d’en bas?
C’est une blague! Ouaigne! T'es pas vite mon'oncle!
Ha bon, le gars d’en bas. C’est une blague...
Ben oui! C’est quoi ton problème?
Non, rien. Excuse moi, J’étais pas là.
Ouaigne! T’es pas vite à matin. Ça t’as-tu vidé le cerveau?
Pascaline s’était mise à rire de bon cœur en se levant avec sa bouteille d’eau et le papier cul.
Je vais aller en bas pour me laver.
Pourquoi en bas?
Je veux pas que tu me regardes.
Mais j’ te regarderai pas… de toute façon je les ai déjà vu tes fesses.
Ça fait rien. Ça me gêne. J'te r'garde-tu quand tu vas chier toé?
Ben non! Pas besoin de descendre. Va derrière le tas de foin en arrière. j'regarderai pas.
Promis!
Promis.
Promis- promis
Juré, craché, salé.
Pascaline attendait.
Quoi!
Awaye! Crache.
J’ai craché un bon coup en direction de la porte et je suis resté là pendant que Pascaline faisait ses ablutions. « Ouf! que d’émotions!»
Quand tout fut consommé, confiture tartinée, poulet avalé, il ne manquait plus qu’un bon café à notre bonheur. Nous sommes descendus, moi le premier afin de me rendre compte si l’infortuné macchabée était complètement recouvert de paille. « C’est ça! Fais ton gros dodo ti-pit. On va s’occuper de toi plus tard.»
La belle était debout en haut de l’échelle.
Qu’est-ce tu fais? Me dit elle impatiente.
J’attends que tu descendes.
Pis les paquets eux autres?
Je sentais qu’elle était de mauvaise humeur. Je ne m’occupais plus d’elle. J’ai senti qu’il allait pleuvoir une tonne de reproches.
Excuse-moi ma poulette, j’étais absorbé.
C’est ça, monsieur a eu son bonbon, ça fait que, moi j’existe plus.
Ben non c’est pas ça ma belle.
Elle laissa tomber ses choses à côté de moi. « Maudit! Elle encore plus belle quand elle est fâchée.»
Allé! Descend, j’ai une surprise pour toi.
Elle descendait l’échelle à reculons. Son jean moulait ses cuisses, ses fesses. Avant la dernière marche, je l’ai prise par la taille pour l’aider à poser le pied par terre. « Tu fais bien d’en profiter mon cochon, il se pourrait que ça ne dure pas l’éternité.» Elle s’est retournée vers moi. Elle faisait une moue de jeune fille capricieuse.
Quoi bébé?
Ben...c’est quoi ta surprise?
Pendant que tu faisais la babounne, je me disais que ça serait peut-être agréable de s’arrêter dans un beau motel pour prendre une douche et de réserver deux places au petit restaurant pour souper. Tu sais le petit restaurant du village. Ça à l’air d’être une belle place.
Elle ne disait rien l’air déçu.
C’est ça ta surprise!
T’aimes pas ça? On peut faire autre chose si tu veux.
C’est pas ça! J’ai promis à ma mère que je serais là pour souper.
Ha!
J'm'excuse?
C’est pas grave, ma beauté, une autre fois.
Je lui ai passé la main dans les cheveux pour lui enlever quelques brindilles. Elle s’et collée contre moi et nous sommes restés ainsi quelques secondes délicieuses. En m’éloignant je lui ai donné un baiser sur le front.
OK! On va y aller. Je sens que j’ai besoin d’un bon café.
Moi aussi. Maudite marde.
Nous nous sommes dirigés vers la lumière de la porte entrebâillée, abandonnant les deux amas de paille. Le nôtre tout chaud, tout bon et le-sien qui ne tarderait pas à sentir la charogne. « Chacun son destin.» Celui du blondinet avait été de venir crever dans la mouise d’une campagne perdue des Cantons de l’est. « c’est ça qui arrive quand on fricote avec des bandits. Petit con.» Mon destin à moi était de prendre plaisir du corps d’une jolie femme qui aurait facilement pu me rendre complètement dingue, si elle avait été un tant soit peu plus capricieuse. « Il suffirait de presque rien… peut-être une année au plus pour que ça arrive.»
J’avais garé la voiture sous un arbre, à quelques pas du chemin de terre qui allait de la grange au chemin du rang. La propriété du rang des Vandetti avait appartenu au grand-père de Pascaline, un vieil anarchiste Italien, Gianfranco Vandetti, qui avait fui l’Italie pour venir se faire oublier en Amérique, et il avait accosté au Québec. Il avait épousé une fille du lac Saint-Jean qu’il avait rencontré à Québec alors qu’il était violoniste au Château Frontenac. Après quelques années passées à Montréal où le macaroni avait fait fortune dans je ne sais quelle gamique de fromage, il était venu s’installer avec sa famille sur cette terre. Suite au décès de sa femme morte d’un cancer des poumons, le vieux bandit avait perdu la raison ou l’envie de vivre, croyant que le cancer de sa femme avait été causé par la fumée des cigares de merde italiens qu’il avait sucés presque toute sa vie. Un matin il s’était couché dans son lit après avoir mis le feu à la maison et s’était tiré une balle dans la tête. Le vieux pépé… roni avait cuit jusqu’à l’os. La terre et la grange étaient les seuls biens matériels qui restaient de son aventure de ce côté-ci de l’Atlantique. Le père de Pascaline, l’unique enfant du malheureux couple, en avait hérité et louait la portion de terre cultivable à un fermier du coin. Elle aimait y venir de temps en temps, genre de pèlerinage, retour vers les souvenirs d’une époque où ses parents n’étaient pas encore séparés.
Pascaline avançait à grands pas dans le sentier de mauvaises herbes. Il pleuviottait encore. Arrivés à la voiture, j’ai fait monter Pascaline et j’ai prétexté une dernière vérification des portes de la grange pour retourner seul sur les lieux de la sépulture, histoire de fouiller le moribond et lui zyueter la gueule de plus près. Déformation professionnelle.
Écoute bébé, Je pense que j’ai oublié de fermer les portes. Faudrait pas que le vent s’empoigne dedans. Attends-moi, je reviens tout de suite.
O.K.! Mais si tu traînes, je pars sans toi.
Elle s’était mise à rire. Je suis retourné à la grange en courant. J’ai tiré la porte et je me suis dirigé vers l’infortuné sous paille. Il était déjà tiède. Une balle dans la tête l’autre dans la nuque. Le corbeau n’avait pas manqué sa cible. « Bon tireur, le pourri.» Il s’était contenté de s’emparer de son précieux paquet sans prendre la peine de dépouiller sa victime de ses papiers. En plus de son portefeuille qui contenait des billets de banque américains et des pièces d’identité française, le mort avait dans la poche intérieure de sa veste en toile, une photo sur laquelle on pouvait reconnaître le brun enlaçant le blond devant une plantation de coca. «Hum! Meurtre, coke et lambada.»Une adresse était inscrite à l’endos de la photo, 27 rue des érables, Ile-Bizard, 1990. J’ai fourré la photo dans ma poche mais j’ai laissé là les autres papiers et son porte feuille en prenant soin de conserver les billets. « Ça ne risque plus de lui servir. De toute manière il n’y en a pas assez pour acheter son ciel du Vatican, l’enculé.» J’ai abandonné le moribond sur sa paillasse. J’ai refermé soigneusement les deux portes et je suis retourné à la voiture. Il pleuvait maintenant très sérieusement. « Un vrai temps d’enterrement.» En ouvrant la portière j’ai été assailli par une musique des Beatles : Good day sushine.
Si tout va bien tu seras chez ta mère vers les deux heures.
On n’est pas vraiment pressés my love.
Il n’y a certainement pas beaucoup de circulation, mais la pluie va nous ralentir.
Pourvu que j’arrive pour souper.
Un petit souper tranquille.
Non malheureusement. Son chum, le docteur la plotte, va être là.
Ha! Ha!Ha! Docteur la plotte?
Ouan! Son chum est spécialiste de la nounne.
Ha! Je vois. Un Gynécologue.
Fait chier. Y connaît tout, l'ostie. En plus y me regarde avec des yeux cochons, le vieux pet. Pas capable.
Huhun!
Ma mère me dit qu’il est gentil avec elle.
Hmmm!
Quoi?
Ben rien…
Ben oui! Y'a du cash. Ma mère aime les belles choses comme a dit. Kessé tu veux que j'te dise? Est faite de même.
J’ai rien dit!
Ouan! Mais j’ai tout compris.
Écoute! Ça me regarde pas. Ta mère fait ce qu’elle fait, on s’en fout de toute façon.
Ouan, mais moi ça m’écœure.
Pascaline était d’humeur changeante. Elle passait rapidement de la gentillesse à la colère et la méchanceté sans raison apparente. Pas toujours facile à suivre. J’étais souvent un peu décontenancé en subissant ses petites sautes d’humeur, moi qui étais toujours heureux de l’avoir auprès de moi. Je n’ai jamais pu savoir ce qui pouvait produire ces variations de tempérament. Il arrivait quelques fois que des larmes coulent de ses yeux, comme ça sans raison apparente. Quand je lui demandais pourquoi elle pleurait, elle me répondait : « Je sais pas.» Un jardin secret, très secret.La musique s’était installée dans le silence relatif de la route. La pluie tombait comme des cordes, des cordelettes. Les essuies glaces battaient la cadence comme un pendule d’hypnotiseur. Nous étions dans notre vaisseau, hors du temps, hypnotisés, comme dans un film de twilight zone. Allait-elle se transformer en monstre et me massacrer de ses griffes et de ses crocs. Je me suis retourné vers Pascaline qui avait fait basculer son dossier pour mieux s’allonger, les yeux fermés. Dans quels éthers voyageait-elle. J’étais tellement amoureux d’elle. Elle m’habitait. Dans un couple d’amoureux, il y en a toujours un qui aime plus que l’autre. S’il n’en était pas ainsi, la relation serait insoutenable, il me semble. J’avais l’impression d’être celui-là. Celui qui aimait le plus. Mais je n’en suis pas certain. Je me répétais souvent : « il ne faut pas que je m’accroche à cet amour.» Mais c’était plus fort que moi. J’étais en flamme intérieurement, mais faisant en sorte que ça ne se voit pas.
J’aime la pluie, me dit-elle. J’aime la musique de la pluie qui rencontre un obstacle.
J’avais eu l’impression d’entendre quelqu’un d’autre. Ça lui arrivait quelques fois de s’exprimer différemment, avec plus de profondeur. Elle n’était plus la jeune femme capricieuse.-
Je me souviens, poursuit-elle de sa voix très douce, j'devais avoir dix-sept ans, j’étais allé rendre visite à une amie qui était en vacance au chalet de ses parents. C’était l’été. Ma copine m’avait invité à cueillir des petites fraises sauvages dans un champ pas loin de la maison. Soudainement la pluie nous avait surprises et en moins d’une minute nous étions trempés jusqu’à la culotte.
J’écoutais Pascaline en me concentrant sur la route. J’avais considérablement ralenti à cause de la pluie qui ne cessait de tomber drue.
Je me rappelle que j’avais enlevé mes « running» pour mieux courir jusqu’à la maison. Mais elle m’avait arrêté par le bras en me disant : « si tu veux pas attraper froid il faut que tu te déshabilles. » Elle s’était allongée nue dans l’herbe en ajoutant : «Fais comme moi, tu vas voir, c’est super tripant.» Elle était mince avec les seins qui tombaient un peu sur les côtés et les bouts pointus. Je me suis mise toute nue à côté d’elle. La pluie tombait sur mon corps comme une armée de petites pointes. Je goûtais ce nouveau plaisir avec beaucoup d’excitation. Je riais aux éclats à cause des chatouilles. La pluie avait cessé et Bérénice avait mis sa main sur mon ventre pour chasser l’eau qui était sur mon ventre. Elle me dit : «Tu as de l’eau plein le nombril.» Je me rappelle que je l’avais regardé en souriant. Puis sans gêne elle avait descendu sa main jusqu’a mon sexe. Machinalement, j’avais entrouvert mes jambes. J’avais envie qu’elle me caresse à l’intérieur. J’ai eu mon premier orgasme.
Son récit m’avait mis dans un état d’excitation intense. Je me voyais assistant aux ébats des deux jeunes filles et me joignant à elles. Comme la pluie avait soudainement redoublé d’ardeur, il devenait difficile de poursuivre la route. J’ai immobilisé la voiture sous un viaduc et j’ai fermé la radio pour écouter la pluie. Pascaline était à ses rêves. Je me suis penché sur elle pour l’embrasser. J’ai fait glisser ma main jusqu'à la fermeture de son jean que j’ai déboutonné. J’ai poursuivi jusqu'à son sexe qui mouillait. Elle leva les yeux vers moi et soudainement en se précipitant pour enlever ses vêtements, elle me dit : ''Le dernier tout nu c’est un ti-coune.''J’ai été surpris par la rapidité avec laquelle elle s’était déshabillée avant même que j’ai pu comprendre ce qui se produisait. Nue comme un ver elle fit basculer le dossier de ma banquette et s’installa sur moi en m’offrant ses seins
Suce-moi, gros loup, suce-moi.
Instinctivement, en lui suçant les seins tour à tour, mes mains s’étaient mises à l'oeuvre en fouillant sa chatte ruisselante. Puis sans crier gare, elle exerça un tête à queue et en s’agrippant au volant, elle me donna son cul en pâture.
Minette, minette, minette, minette. Fais-moi minette, minou.
Elle était déchaînée. Elle se cabrait les reins. J’avais tout son derrière dans la face et je lui enfonçais la langue aussi profondément que je le pouvais dans sa petite caverne en m’agrippant à ses fesses. Elle grognait de plaisir comme un petit animal et quand elle fut fin prête à jouir elle poussa un cri long et plaintif en faisant bouger, de haut en bas, son fessier sur toute la surface de mon facies.Après cet intermède passionné, la petite chatte rhabillée, elle me regarda en me disant.
Ouaip! J’ai comme un petit creux.
Moi aussi ma minette, minette, minette. Ha! Ha! Ha! On pourrait faire une petite halte dans un restoroute.
Ouaip!
Je pense que je pourrais en profiter pour me démaquiller.
Ben oui! J’te regarde là. C’est quoi que t’as dans face? Ha! Ha! Ha! Ha!
C’est ça , lâche-toé lousse.
C’était bon.
Elle m’avait dit ces derniers mots en me regardant avec reconnaissance.
Le restaurant était vide. Je suis passé au lavabo pour me rafraîchir le masque, pendant que Pascaline était allée s’asseoir à une table. Quand je suis arrivé près d'elle, Pascaline me dit :
La serveuse à pas l’air pressée.
Elle m’attendait.
Ha ouin! Tu penses qu'elle aime les mon'oncles, la ma'tante?
Tiens la v’la.
La serveuse se planta devant nous et elle débita son refrain.
Bon aujourd’hui y’a pas de plat du jour, juste une soupe du jour.
C’est quoi la soupe du jour.
C’est la même tous les jours.
Ha Oui?
Ben, la soupe aux pois. Vous êtes jamais venu icite, vous autres?
Non madame, c’est notre première visite.
Pascaline commençait à s’énerver.
Bon! Moé j’va prende un club sandwich avec un coke fret. Pi toé mon'oncle kessé tu prends?
J’ai regardé Pascaline en souriant. Elle se moquait de la serveuse qui commençait à s’en apercevoir.
C’est tranquille ce midi madame.
Hum! C’est tranquille de même toués lundis.
Ha bon. Moi je vais prendre la soupe et un sandwich bacon, laitue, tomates.
Queque chose à boire?
Un café s’il vous plaît.
Ouan! Moi aussi un café.
Un café et pi un coke?
Pascaline lui fit signe que oui. Nous avons souris en nous regardant comme la serveuse nous tournait le dos.
A vrai dire j’ai pas une grosse faim.
Ha non! J'peux t’aider si tu veux?
Surpris par ce qu’elle venait de dire mais surtout par l’intonation de sa voix et le regard qu’elle me jetait, je me demandais à quoi elle voulait en venir. Je la regardais le regard inquisiteur.
Un peu d’exercice, peut-être?
Quel genre d’exercice?
Je commençais à comprendre à quoi elle voulait en venir.
Le genre que t’aimes.
On va quand même pas faire l’amour sur la table en attendant la soupe.
Non pas sur la table.
Elle se leva lentement en bombant le torse et fit quelque pas en direction des toilettes. Elle s’arrêta et se retourna vers moi.
Auriez-vous peur d’une pauvre petite fille sans défenses, monsieur pissou?
Pascaline était déterminée. Elle reprit le chemin des toilettes en jouant du popotin. « Ce que femme veux, Dieu le veut itou.» Quand elle fut devant la porte, avant d’entrer, elle souleva son pull-over pour me montrer ses seins. Elle me fit également un signe de la langue et elle poussa la porte de la toilette des femmes. J’étais mordu. J’ai senti une agréable sensation envahir ma queue et engourdir le bout de petits picotements. Le venin de la petite vipère faisait son œuvre. Ce n’était pas encore une érection mais ça en prenait le chemin, tous les espoirs étaient permis. Quand elle avait descendu son pull-over ses yeux m’avaient dit : « Ne me laisse pas tomber, dis-moi que je t’ai séduit.» De toute manière j’étais foutu, pris au piège. Il ne me restait plus qu’a la suivre. Je ne voulais surtout pas ignorer son invitation, elle aurait pu me le faire payer par une grève de ses fesses, sans dire qu’elle m’aurait sans doute boudé pour un bon bout de temps.J’ai hésité quelques secondes devant la porte, j’ai pris une bonne inspiration et j’ai poussé en ne sachant pas trop à quo m’attendre. Doux jésus! Pascaline était complètement nue, les reins posés sur le lavabo, la tête renversée en arrière appuyée sur le miroir. Elle était magnifique dans la lumière défaillante des chiottes.
Qui est là? C'es-tu le gros méchant loup? Me dit-elle en appuyant sur le ououououou.
J’en avais le souffle coupé. Je me suis jeté sur elle comme un fauve sur une gazelle en oubliant de verrouiller la porte. Elle m’enlaça de ses bras autour de mon cou et de ses jambes autour de ma taille. J’étais à la limite du supportable. Sa peau brûlante avait la douceur de la pêche. Mes testicules me faisaient mal tellement elles en voulaient. J’ai pris sa tête dans mes mains et je l’ai embrassée longuement tandis qu’elle défaisait la ceinture de mon pantalon. Pendant que je retirais mon chandail, elle baissa mon pantalon et mon sous vêtement. Elle agrippa mon sexe et l’engouffra dans sa bouche.
J’en veux, donne moi tout, tout!
Elle s’est retournée pour m’offrir sa croupe, en me regardant pas le miroir. Sur la pointe des pieds elle allongea sa boîte à malice, les reins cambrés en me disant :
Ça va, ça vient, ça va, ça vient.
Hoo!
Je lui ai planté mon sexe dans sa fournaise juteuse. Chaque secousse que je lui infligeais lui faisait pousser de petits cris de plaisir. Elle avait fermé les yeux. Ses seins suivaient la cadence dans le miroir dans un balancement enivrant. Ses hanches tendues, ses épaules hérissées, sa chevelure noire défaite, tout contribuait à me rendre à son plaisir et au mien qui était imminent.
Je vais mourir, lui dis-je en écartant ses fesses.
Non! Tu mourras plus tard, Ça va, ca vient.
J’aurais voulu faire durer cette cavalcade encore un peu tellement le plaisir était intense. Je possédais cette femme qui en demandait encore, ma tête était pleine du plaisir que je prenais, mais je n’en pouvais plus de me retenir. De plus je sentais que mes jambes allaient m’abandonner. Pascaline allait atteindre le nirvana. Elle suait, soufflait, était rendue. Alors dans une libération salvatrice je lui ai envoyé tout mon amour au moment même où la serveuse ouvrait la porte qui butat sur mes talons. Elle jeta un coup d’œil par la porte entrebâillée.
Votre soupe va être froide, monsieur.
Pascaline qui gémissait, des oui-ouis, lui adressa une plainte bien sentie.
Va te faire enculer, vieux débris.
Heureusement, la porte était déjà fermée et la serveuse repartie. Personnellement, j’étais trop essoufflé pour me plaindre de quoi que ce soit. Pascaline s’est assise sur le bol des chiottes pour expulser ma jouissance et reprendre son souffle. J’avais du mal à remonter mon pantalon. Je crois que je n’ai jamais eu autant de plaisir de toute ma vie.
Je suis revenu à la table comme si de rien n’était. J’ai demandé à la serveuse de mettre les sandwiches dans un sac avec les breuvages. J’ai réglé l’addition à la caisse comme Pascaline sortait de la toilette fraîche et détendue. Je lui ai fait signe et nous sommes sortis en riant aux éclats comme des gamins effrontés. Je ne me suis pas retourné pour ne pas voir la gueule de la serveuse. Mais Pascaline lui lança une petite phrase effrontée en traversant les portes du restoroute.
Ouan! C’est tranquille comme ça tous les lundis.
Je riais tellement que j’en avais les larmes aux yeux et du mal à mettre un pied devant l’autre. Nous avons regagné l’auto, soutenus par la gaieté de Pascaline.
Il était cinq heures passées quand la voiture a traversé le pont Champlain. La pluie avait fait place à un soleil dans son pyjama de nuage au couchant, changeant de couleur du jaune au rouge orangé. Pascaline s’était endormie et refaisait surface. Je revenais sur terre comme un parachutiste dont la toile s’ouvre soudainement mettant fin à sa chute libre. La raison reprenait ses quartiers et je réintégrais ma peau d’agent spécial. Sur le terrain, je traque les marchands de stupéfiants, surtout la filière black. Montréal qui est sans doute la moins belle des villes les plus agréables d’Amérique. Moins belle surtout à cause de son architecture désordonnée, disons le comme ça. Montréal qui est également une plaque tournante de tous les crimes modernes au Canada et probablement en Amérique du nord.
Pascaline me regarda de ses yeux noirs en s’étirant.
J’ai encore la tête dans l’cul.
Ça fait changement.
Comment ça?
Habituellement c’est la mienne qui y est là.
Hfump!
Mais bon si ça te fais mal, tu peux toujours demander au docteur La Plotte de t’examiner.
Poua! Y serait bien trop content, l’ostie.
Nous étions arrivés. J’ai stationné la voiture et j’ai éteint le moteur. Elle me regarda avec un sourire forcé en penchant la tète.
Hé voilà! Demain je reprends mes cours à l'UQAM.
Moi je reprends mon travail d’agent immobilier.
On va se voir un peu moins, mon poulet.
Plus intensément peut-être.
J’y vai
J’attends ton appel. Je te dois un petit souper
Ouan! C’est vrai ça. J'espère que c'est moi qui choisit le resto?
Salut beauté. Embrasse ta mère pour moi.
Hé! Hé! Hé! Hé! Ça va lui faire plaisir de savoir que tu penses à elle.
J’espère que le docteur ne sera pas jaloux
Qui mange d’la marde.
Elle me fit une petite bise mais je la retins avec ma main derrière sa tête pour prolonger le plaisir. Elle est sortie en souriant. Je l’ai regardé s’éloigner un petit moment et je suis reparti dans une autre direction.J’ai stationné la voiture dans le garage du sous sol et je suis monté à mon appartement qui domine la ville et le fleuve. Je me suis versé une bonne rasade de rhum de la Martinique dans un fond de jus de limette pressée et de sucre de canne. Un ti-punch comme disent les Antillais. J’étais debout devant la grande fenêtre du salon, je regardais au loin la noirceur qui enveloppait la ville du côté du soleil levant, vers l’Orient, la Chine et sa multitude de travailleurs, occupés à inonder le monde de ses produits de merde. La Chine qui depuis des années infiltre les industries du monde capitaliste de petits travailleurs espions. Le bien et le mal n’existent pas au pays de Confucius, de Mao et de la grande muraille. Il n’y a que les désirs. La Chine c’est le pays du désir. Tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. Aux États-Unis également mais c’est beaucoup plus hypocrite. Le président se réclame de Dieu pour convaincre ses concitoyens, tandis que le secrétaire général du parti communiste n’hésite pas à éliminer tous ses concitoyens qui s’opposent au parti. Disons que c’est une autre mentalité. J’ai pris une douche et je suis descendu au bar du rez-de-chaussée. Je me suis assis au bar du bar. J’étais le seul client. La barmaid, une grande rousse très athlétique, les cheveux courts, la lèvre lippue, souriante, une lumière dans le regard, comme si elle vivait sa dernière réincarnation. Une androgyne très sexy avec laquelle j’avais échangé un peu d’affection durant un certain temps,
Bonsoir, monsieur, qu’est-ce que je vous sers?
Je vous ai pas déjà vu quelque part? Ça serait pas en vacances dans un club med. Rio? Djerba
Elle me servit un verre de Chardonay.
Oh! Non Monsieur je ne traîne pas mes angoisses dans ces lieux de perdition.
Après avoir déposé le verre de vin devant moi elle se pencha vers moi pour me faire a bise
Toujours aussi belle, mon amour!
Tu me dis ça tous les jours
C’est parce que c’est vrai tous les jours.
Hu-hum! Si je ne te connaissais pas, peut-être que je me laisserais prendre à tes caresses verbales
Et je te prendrais avec plaisir…
Elle me lança un coup d’œil rapide par-dessus son épaule tout en rangeant quelques bouteilles. J’avais le sentiment qu’elle se rappelait nos ébats avec plaisir. Mais voilà, elle désirait avoir un enfant. Disons que je ne l’ai pas suffisamment encouragé dans ce sens. On s’est quitté à regret sans jamais revenir ensemble. J’avais bien tenter de l’en convaincre, mais peine perdue : « Quand c’est fini, c’est fini .» m’avait-elle dit la gorge serrée par l’émotion.
Écoute bébé, Tu laisses tout tomber et je t’emmène dans mon paradis.
Laisse faire! Je le connais ton paradis. J’ai pas envie de me transformer en femme de ménage pendant que tu coures la galipote.
Ho!Je ne t‘ai jamais triché.
C’est vrai, pas souvent.
De toute manière, je ne suis pas libre.
Elle m’avait dit cela en faisant un large sourire à quelqu’un qui était derrière moi.
Toujours en chasse, mon vieux?
Je me suis retourné pour reconnaître l’amant de Véro. Un jeune chevelu aux yeux bleus avec dans le regard un air de toujours tout savoir avec assurance. » p’tit criss.»
Tiens! Quand on parle du louveteau, on en voit la queue-quette…
Vous allez pas recommencer tous les deux.
Pas aujourd’hui, ayons pitié de lui.
Véro terminait son quart de travail et était remplacé par un nouveau sans intérêt. On se demande pourquoi il y a des hommes derrière les bars, il y en a bien assez devant. Les tourtereaux ont quitté le café bras dessus bras dessous. Je me suis retrouvé seul au bar du bar avec le nouveau qui s’occupait de ses bouteilles, ses citrons, ses quartiers d’oranges, ses cerises au marasquin. « on vit vraiment de peu de choses.»